Suzanne, 2 Automnes 3 Hivers, Casse-tête chinois / Revue de films
Publié le 6 Janvier 2014
Suzanne de Katell Quillévéré
"Fille-mère à l'adolescence, Suzanne vit avec son père routier et sa sœur dont elle est inséparable. Sa vie bascule lorsqu'elle tombe amoureuse de Julien, petit malfrat qui l'entraine dans sa dérive. S'ensuit la cavale, la prison, l'amour fou qu'elle poursuit jusqu'à tout abandonner derrière elle..."
Suzanne est un film sombre et silencieux à l'image de son héroïne. Suzanne vit et grandit et on le sentiment qu'elle est parfois transparente, qu'elle subit plutôt qu'elle ne choisit.
On peut se demander si l'absence de sa mère, y est pour quelque chose mais jamais le film ne tombe dans une explication psychologique facile. Suzanne avance mais fait du sur place. Tout est arrivé trop tôt pour elle, la mort de sa mère, sa maternité, son entrée dans le monde du travail...
Lorsqu'elle tombe amoureuse de Julien qui va l'entrainer dans sa chute, on a du mal à comprendre qu'elle plaque tout pour lui. Mais c'est probablement la première fois qu'elle se sent en vie, libre et en vie. Tellement en vie que peu importe les conséquences de ses actes, pour elle, pour ses proches qui n'existent plus. Une descente aux enfers choisie ?
Suzanne c'est un beau portrait de fille et femme qui cherche sa place sans la trouver vraiment, un portrait déprimant d'une génération paumée qui vit de petits boulots et de combines. Comme le disait la réalisatrice "Des Suzanne il y en a plein les prisons de France" et oui, le destin de Suzanne est d'une banalité terrifiante.
Le film se termine par une petite note d'espoir, infime mais présente, la seule bouffée d'air frais en 1h30, on y croit...
Sara Forestier interprète Suzanne avec une sobriété émouvante, elle parle très peu dans le film mais fait tout passer sur son visage. François Damiens est touchant dans un registre dramatique dans lequel on n'a pas l'habitude de le voir et Adèle Haenel dans le rôle de la soeur de Suzanne est remarquable, sa fraicheur et sa spontanéité donnent au film les notes les plus joyeuses.
2 Automnes 3 Hivers de Sébastien Betbeder
"A 33 ans, Arman a décidé de changer de vie. Pour commencer, il court. C’est un bon début. Amélie poursuit la sienne (de vie) et court, elle aussi. La première rencontre est un choc. La seconde sera un coup de couteau en plein cœur."
La très bonne surprise de cette fin d'année vient d'un film sans stars, sans artifices et qui malheureusement bénéficie d'une toute petite sortie en salles.
J'ai eu le sourire aux lèvres quasiment tout le film, même les moments dramatiques sont amenés avec humour.
En 1h20, Sébastien Betbeder réussit à dresser un portrait complet, attachant et intelligent de la génération contemporaine des trentenaires. Amour, travail, études, rapport à la famille, art, mal être, sexualité, désir d'enfant et même la maladie (ici l'AVC mais ça aurait pu être autre chose) qui touchent de plus en plus de jeunes.
Il y a multitude de choses de la vie de tous les jours pas forcément intéressantes mais la force du film est de nous les rendre passionnantes.
Cerise sur le gâteau pour les parisiens ou ceux qui connaissent la ville (ceux qui n'en sont pas pourront faire le reproche je sais...), le film est très en phase avec la réalité parisienne puisque c'est la ville des personnages. Noms de rue, de restaurants, de cinémas, de cafés, de supermarchés, on sourit forcément, on se reconnait encore plus. C'est aussi le Paris où l'on recontre des gens perdus de vue au coin de la rue.
(Et puis Michel Delpech, ceux qui savent comprendront...)
2 Automnes 3 Hivers est un fim simple, drôle et touchant très ancré dans le réel et j'ai vraiment craqué pour le style, les histoires, l'humour, les acteurs.
On se laisse prendre au charme de la voix de Vincent Macaigne, irrésistible narrateur du film, au charme lunaire de Bastien Bouillon et au charme tout en douceur de Maud Wyler.
Casse-tête chinois de Cédric Klapisch
"Xavier a maintenant 40 ans. On le retrouve avec Wendy, Isabelle et Martine quinze ans après L’Auberge Espagnole et dix ans après Les Poupées russes. La vie de Xavier ne s’est pas forcément rangée et tout semble même devenir de plus en plus compliqué. Désormais père de deux enfants, son virus du voyage l’entraîne cette fois à New York, au beau milieu de Chinatown. Dans un joyeux bordel, Xavier cherche sa place en tant que fils, en tant que père… en tant qu’homme en fait !"
Dans l'ensemble je n'ai pas boudé mon plaisir, j'aime toujours autant Romain Duris et sa bande de copines mais je ne me suis pas retrouvée dans ces interrogations de quarantenaires finalement. Et j'ai trouvé qu'il y a avait trop de clichés comme par exemple le personnage de Cécile de France qui en fait un peu beaucoup trop, l'avocat New-yorkais, la scène chinoise et d'autres... Kelly Reilly a probablement les plus beaux yeux du monde mais sa prestation est la moins convaincante.
On retrouve des "trucs" de mise en scène de Klapisch et on découvre sa vision de New-York à travers les yeux de Xavier. De bonnes idées comme les dialogues avec les philosophes allemands, de la bonne humeur et de belles images de New-York. Des thèmes contemporains comme la famille recomposée, l'homoparentalité, la mid-life crisis abordés avec humour et tendresse. Un film sur le temps qui passe et le "qui suis-je, où vais-je...".
Un bon moment, on rigole et ça détend bien sans être génial.