Girl, L'amour flou, Nos batailles, Blindspotting / Revue de films
Publié le 17 Octobre 2018
Girl de Lukas Dhont
Lara est tiraillée entre ses deux rêves, devenir une fille à part entière et devenir ballerine. Elle se soumet et soumet son corps à une discipline de fer et de tortures qu'exige la pratique de la danse classique. [C'est d'ailleurs ce que je n'ai pas aimé dans le film, le fait que ça se passe dans ce milieu si exigeant, je ne supporte pas la souffrance physique qu'impose cette danse... J'ai eu du mal avec certaines scènes mais ça n'a rien à voir avec mon ressenti général...]
La caméra s'attarde sur un visage, un trajet de métro, une répétition, un quotidien dans lequel Lara survit en état de manque, en étant incomplète. Elle étouffe dans ce corps qui ne réagit pas aussi vite qu'elle le souhaite et ça le réalisateur a tellement réussi à le saisir et à nous le faire ressentir. Il y a la transformation et tout le parcours de visites chez les médecins, les traitements hormonaux mais Lara est aussi une adolescente avec ses réactions typiques pas toujours adaptées à ce qu'elle vit par ailleurs... Il y a le mal-être dû à cet état flottant entre deux sexes et le mal-être adolescent.
Tout au long du film on est fasciné par ce courage qui transcende Lara. Le courage d'affronter le regard des autres pas toujours bienveillants, le courage d'aller au bout de son parcours, le courage de danser, le courage physique, le courage mental... Tout ce qui repose sur ses épaules d'ado donne le vertige...
Victor Polster qui interprète Lara est d'une pudeur et d'une justesse folles, il est Lara. Et c'est son premier rôle au cinéma... pffffuuuu... Un grand premier film...
Pourquoi j'y suis allée : pour le sujet
L'amour flou de Romane Bohringer et Philippe Rebot
"Romane et Philippe se séparent. Après 10 ans de vie commune, deux enfants et un chien, ils ne s’aiment plus. Enfin… ils ne sont plus amoureux. Mais ils s’aiment, quand même. Beaucoup. Trop pour se séparer vraiment? Bref…C’est flou. Alors, sous le regard circonspect de leur entourage, ils accouchent ensemble d’un «sépartement »: deux appartements séparés, communiquant par…la chambre de leurs enfants! Peut on se séparer ensemble? Peut-on refaire sa vie sans la défaire? "
Ce film m'a tellement parlé pour différentes raisons mais Romane et Philippe réussissent à raconter ce sujet difficile de la séparation, d'une façon totalement différente et ça fait du bien. Ce n'est pas si souvent qu'on parle de ça en faisant vraiment attention à la place des enfants. Pour une fois, des parents tentent autre chose et ça fait un bien fou de les entendre dire qu'ils n'ont pas envie de louper tous les bons moments de leurs enfants, qu'ils n'ont pas envie de ne pas savoir ce qu'ils vivent une semaine sur deux, que ce n'est pas juste d'obliger les enfants à s'adapter à une situation qui n'est pas de leur fait... En général c'est le ressenti de l'adulte qui prime...
Alors oui peut-être qu'une séparation après 40 ans c'est plus posé, plus réfléchi et peut être aussi que lorsque le conjoint est devenu autre chose qu'un amoureux on peut essayer de faire autrement, je ne sais pas mais Romane et Philippe tentent en tout cas d'innover et de rester une famille. Tout n'est pas rose, tout n'est pas parfait, il y autant de séparations que de couples. Ce n'est pas forcément mieux, c'est différent.
Le film réussit aussi à aborder sérieusement avec humour toutes les questions sur la séduction après, sur le fait qu'on vieillit, sur le manque sexuel qui peut être là quand il n'y a plus le conjoint dans son lit...
C'est drôle, émouvant et d'autant plus crédible que c'est l'histoire vraie de Romane Bohringer et Philippe Rebot ! Même si, comme ils le disent eux-mêmes, le film ne montre pas tout ce qui n'est pas rose tous les jours...
Pourquoi j'y suis allée : pour l'originalité du traitement entre fiction et réalité
Nos batailles de Guillaume Senez
"Olivier se démène au sein de son entreprise pour combattre les injustices. Mais du jour au lendemain quand Laura, sa femme, quitte le domicile, il lui faut concilier éducation des enfants, vie de famille et activité professionnelle. Face à ses nouvelles responsabilités, il bataille pour trouver un nouvel équilibre, car Laura ne revient pas."
C'est violent un parent qui part du jour au lendemain sans donner de raison et Olivier réagit comme il peut, avec ses tripes. Il est énervant au début, ne se remet pas en question, ne cherche pas à comprendre, juste à parer au quotidien.
Son travail dans une grande entreprise de vente en ligne aux méthodes managériales plus que discutables l'accapare la journée mais aussi le soir, il est présent chez lui mais ailleurs dans sa tête. Sa relation avec Laura s'est installée dans une routine rodée et il ne voit rien venir, il ne voit pas sa femme sombrer petit à petit... et comprend d'autant moins son geste. Pourtant on sent que l'amour est présent, il est toujours en là en pointillés, tout ça n'a rien à voir avec un désamour...
On voit un père se démener pour sa famille, un homme se démener pour ses collègues de travail et le film fait un beau parallèle entre les deux situations. Il en chie au début, les enfants ne lui facilitent pas la tâche et il ne se réalise qu'ils ne sont que des enfants justement et que le choc est encore plus dur pour eux... Et ce monde du travail déshumanisé qui décrit bien la société d'aujourd'hui et représente cette France à deux vitesses aussi...
C'est l'histoire d'une reconstruction, une reconstruction personnelle, familiale et même professionnelle. J'ai trouvé Romain Duris exceptionnel... A noter aussi Laure Calamy très touchante en syndicaliste désabusée.
Une chronique sociale délicate et sans pathos...
Pourquoi j'y suis allée : le sujet et Romain Duris
Blindspotting de Carlos Lopez Estrada
"Encore trois jours pour que la liberté conditionnelle de Collin prenne fin. En attendant de retrouver une vie normale, il travaille comme déménageur avec Miles, son meilleur ami, dans un Oakland en pleine mutation. Mais lorsque Collin est témoin d’une terrible bavure policière, c’est un véritable électrochoc pour le jeune homme. Il n’aura alors plus d’autres choix que de se remettre en question pour prendre un nouveau départ."
Le film est construit sur les journées qui précèdent la liberté conditionnelle et chaque jour on a peur pour Collin. Son meilleur ami ne semble pas prendre tout ça au sérieux et risque de faire capoter la libération définitive de Collin. On voit bien que malgré ce qui les lie, Miles a une mauvaise influence sur son ami, une influence pernicieuse qui s'est immiscée au fil des années... Sur fond de racisme latent, tout est plus facile pour Miles et peau blanche, le film raconte aussi le profond changement d'une ville, ici Oakland en pleine gentrification, et montre comment cela affecte les locaux qui y ont grandi et qui ne s'y retrouvent plus.
L'épisode de la bavure fait froid dans le dos et on comprend bien que Collin flippe à mort et ne dise rien. Mais impossible de continuer à vivre comme avant, c'est le début d'un profond changement et d'une grosse remise en question de tout ce qu'il acceptait avant...
C'est un film de potes et j'aime les films de potes ! Daveed Diggs et Rafael Casal, les deux rôles principaux, ont écrit Blindspotting et en ont confié la mise en scène à un ami de fac. Le sujet est grave mais on rigole beaucoup et la bande son composée par le duo est démente. Ils se servent aussi du rap pour raconter et déclamer une réalité et la scène finale de confrontation entre Collin et un policier est une bombe émotionnelle qui m'a retournée...
Pourquoi j'y suis allée : pour l'histoire