Mon cinéma de mai 2019
Publié le 3 Juin 2019
Douleur et gloire de Pedro Almodovar
Pedro Almodovar est un des rares, voire le seul réalisateur qui représente la personne que je suis en entière. Je me sens tellement proche de tous ses films même ceux que j'aime un peu moins. Il a ce truc qui parle directement à mon âme. Poésie et folie douce en permanence.
Le film a cheminé en moi jusqu'à la fin, doucement, comme les émotions ressenties tout du long.
Antonio Banderas est immense, son meilleur rôle pour moi, même si je l'aime toujours peu importe la qualité du film ! c'est grâce à Pedro... Il joue à merveille ce réalisateur célèbre qui a mis sa vie entre parenthèses à cause de sa santé. Il est entouré d'actrices et d'acteurs tous aussi excellents : Penelope Cruz, Azier Etxeandia... Salvador retrouve Alberto, l'acteur d'un de ses grands succès, avec qui il était brouillé depuis 30 ans. C'est le début d'une autre vie qui commence pour les deux hommes. Ils s'étaient chacun enfermés dans une cage dont les barreaux vont sauter peu à peu... Entre souvenirs d'une enfance très modeste, souvenirs de carrière et de vie personnelle, Salvador continue de soulager ses douleurs par tous les moyens. Cette douleur qui le paralyse pour avancer, qui lui sert d'excuse pour stagner...
Pedro Almodovar explore intelligemment tous les thèmes qui lui sont chers : le rapport à la mère, la création, l'addiction, la naissance du désir... Il a mis un peu (beaucoup ?) de lui dans Salvador que ce soit dans la psychologie du personnage où dans les détails (l'amour pour Madrid, les références culturelles en art ou spectacles vivants...). Un reflet de lui avec des différences...
C'est l'histoire d'une renaissance magnifique... le film est empreint d'une douceur et d'une tendresse qui font du bien jusqu'aux dénouements...
Du beau, du merveilleux et du grand Almodovar !
Jessica Forever de Caroline Poggi et Jonathan Vinel
Un ovni que ce film pour lequel j’ai eu du mal à savoir ce que j’en avais pensé. Il m’a fallu quelques instants en sortant avant de me dire que j’avais plutôt aimé ce film qui se classe dans une catégorie à part. De la science-fiction poétique... Jessica est une femme guerrière, une sauveuse d’orphelins, une déesse, une mère, une femme qui a choisi de lutter. Elle sauve des jeunes hommes qui sortent à peine de l’adolescence, des « orphelins » qui n’ont pas trouvé leur place dans la société qui les traque pour les tuer. Ils ont commis des crimes ou non, ils ont pété les plombs, ils sont seuls et avec Jessica ils forment une famille qui tente de vivre et de survivre.
Beaucoup de métaphores magnifiques sur cette notion de famille, de lutte, d’orphelins, d'enfants perdus, de société qui rejette la différence et la difficulté. On est dans un futur qui nous ressemble où les policiers sont représentés par des drones qui tirent à vue. Ces garçons sont soudés, ils vénèrent Jessica qui semble être la seule à pouvoir apaiser leurs souffrances et leurs tourments. Elle est magique. Mais chacun réagit différemment quand des drames les touchent ou quand un des leurs tombe amoureux. Vont-ils pouvoir vivre leur utopie longtemps ?
Contemplatif, hypnotique, esthétique et intrigant ce Jessica Forever. Avec un chouette casting de jeunes acteurs pro et amateurs...
Tremblements de Jayro Bustamante
Dans un Guatemala imprégné de religion, Pablo, pratiquant, marié, 2 enfants, tombe amoureux de Francisco et décide de quitter sa famille pour s'installer avec lui. Le tremblement de terre n'est pas que dans la nature...
Sa femme réagit mal ça peut se comprendre, mais elle se comporte comme une enfant gâtée odieuse, elle est horrible. Toute la douleur qu'elle peut ressentir ne justifie pas ses actes. Outre sa femme, les parents, frère, sœur, beau-frère (sinistre personnage) tout le monde s'y met pour lui faire changer d'avis. La religion dicte leur conduite à toute cette famille, on a l'impression qu'on est au Moyen Age mais non ils ont des portables... aucun n'arrive à réfléchir par lui-même, c'est déprimant. Ils vont tout faire pour "soigner" Pablo qui n'est pas très réactif à tout ce qui se passe. Est ce parce qu'il n'a pas d'argent pour se défendre ? On ne le sait pas... Il a du mal à assumer c'est clair... J'avais envie de lui hurler de ne pas se laisser faire...
La météo ajoute au climat du film : pluie, gris, tremblements de terre...tout le film est sombre. Le seul élément lumineux et gai (ce n'est pas un mauvais jeu de mots!) c'est le personnage de Francisco qui vit, qui rit, qui est humain finalement...
J'ai aimé le film mais je n'ai pas aimé son sujet, no future en quelque sorte... Déprime totale cette société bourgeoise étriquée, prisonnière, qui ne vit que pour l'apparence...
Les crevettes pailletées de Cédric Le Gallo et Maxime Govare
Le film est inspiré de l'histoire d'une équipe de waterpolo gay participant aux Gay Games. Cédric Le Gallo fait partie de l'équipe ! ....
Mathias Le Goff, vice-champion du monde de natation, se voit contraint d'entraîner les Crevettes Pailletées, une équipe gay de water-polo qui doit aller en Croatie pour les Gay games. Une "punition" pour se racheter une conduite après avoir tenu des propos homophobes à la télé.
On sait de tout de suite ce qui va se passer, le choc de deux mondes qui vont finir par s'entendre. Mais n'empêche ça marche parce que cette équipe ne compte pas s'arrêter au mépris évident de Mathias qui ne les considère pas comme des sportifs. Ils vont devoir tous se remettre en question, de Mathias à chaque membre de l'équipe.
Homophobie, couple avec enfants, militantisme, séduction, grand amour... tout le monde cherche sa place finalement dans ce road movie déjanté.
J'ai rigolé souvent parce que je me suis revue avec une autre bande de crevettes pailletées (qui écumait les dance floors plutôt que les piscines !), des souvenirs fous d'une jeunesse qui savait rire et se moquer de tout ou presque. Et que, ce que certains critiquent comme trop cliché est une réalité que ça plaise ou non.
J'ai quand même sorti mon mouchoir parce que tout n'est pas rose mais c'est bien une comédie ! Il y a quelques défauts, le film n'est pas parfait mais j'ai vraiment passé un bon moment.
Quelle joie aussi de revoir David Baïot (Alex) que j'avais adoré dans la série Ainsi soient-ils.
Les Crevettes Pailletées ça pourrait être un mix entre Priscilla folle du désert et le Grand Bain !
The Dead don't die de Jim Jarmusch
Il se passe des choses bizarres à Centerville, petite bourgade de 738 âmes. La terre a dévié de son axe et tout est chamboulé. Il fait jour le soir, des animaux disparaissent, tout le monde a des orgasmes d'oreille avec une chanson nulle et quand deux femmes meurent déchiquetées, l'évidence est là : les zombies attaquent.
Tout est décalé dans le film. Les personnages qui semblent presque tous avoir 2 de tension, les situations, la façon dont tout le monde gère les morts-vivants... Le casting est sympathique mais un peu gâché car inexploité... Les métaphores sont trop évidentes, trop faciles : l'écologie, les zombies qui symbolisent les humains qui ont tout raté et n'ont rien compris, qui méritent d'en baver ou de mourir ? etc... Grosse déception même si le film n'est pas désagréable à suivre avec toutes ces références cinéphiles mais effet pétard mouillé pour ma part..
Passion de Ruysuke Hamaguchi
Passion est le premier long métrage de Ryusuke Hamaguchi, sorti récemment en France après les succès de "Senses" et "Asako 1 et 2". Les errements et tourments amoureux d'une bande d'amis après qu'un couple ait annoncé son futur mariage. Une harmonie relative qui explose quand sont révélés les attirances et regrets amoureux des uns et des autres. Les jeux de l'amour et du hasard ou presque... A travers toutes les histoires c'est comme une définition complète de ce que peut être l'amour en général entre la passion, la raison, la résignation, l'amour à sens unique, l'attirance physique, la lâcheté... Un beau premier film que j'ai trouvé parfois un peu long mais qui m'a cueillie sur la fin...
Le jeune Ahmed de Jean-Pierre et Luc Dardenne
Ahmed est un jeune ado de 13 ans élevé par sa mère célibataire. Il est bon élève et se met à fréquenter assidûment une mosquée de son quartier. Son comportement change radicalement à tous les niveaux. Son imam devient son mentor et se sert de lui pour faire passer des messages à l'école où à la maison. Sa prof devient la cible de sa haine attisée par le fanatisme religieux. Ahmed se retrouve dans un centre pour mineurs. Mais malgré les efforts de tous, son cerveau reste en boucle.
Un film totalement déprimant sur l'appel de l'intégrisme religieux et du radicalisme. Aucun espoir sauf dans le drame qui arrive à la fin, qu'on sent venir et que pour ma part j'attendais comme la seule issue possible. Sentiment partagé entre "rien à faire de ces êtres qui ne pensent qu'à massacrer les autres au nom d'une religion" et "il a 13 ans, c'est un ado, il se cherche etc..."
Pourtant il n'est jamais sympathique ni souriant ni attachant ce personnage décrit dans le film.
Je n'ai pas détesté le film, j'ai détesté le sujet et son traitement froid. Un constat terrible face auquel tout le monde semble impuissant...
Récompensé par le prix de la mise en scène à Cannes. De mon côté je l'ai trouvée très classique la mise en scène...
Sibyl de Justine Triet
Sybil (absolument géniale Virginie Efira) est une psy qui rêve d'écrire un nouveau livre après un succès qui date de 10 ans. Elle dit "au revoir" à presque tous ses patients pour se consacrer à son projet. Mais elle ne peut s'empêcher d'accepter une nouvelle patiente. Une actrice complètement paumée et parano, Margot. Elle devine tout le potentiel littéraire de la situation de Margot, enceinte d'un comédien célèbre, Igor, avec qui elle tourne sur l'île de Stromboli. Igor est en couple avec la réalisatrice, la situation est explosive et Margot convainc Sybil de venir sur le tournage.
Sybil, tout en aidant Margot, se sert d'elle pour écrire son roman. Elle brise ainsi tous les tabous patient/psychothérapeute.
Margot lui rappelle aussi sa propre histoire et le film nous plonge dans le passé tourmenté de Sybil, alcoolique, en couple avec Gabriel, son grand amour d'avec qui la rupture fut très dure.
On découvre les deux vies de Sybil : l'écrivaine qui vivait d'amour et de fête et la psy, maman de deux filles qui tente de garder le cap en laissant son passé derrière elle.
Sybil est une femme en équilibre sur un fil tout du long. Elle tangue, chute, se relève, retombe et se relève encore... Elle doute, elle souffre, elle vit l'instant présent quitte à se faire du mal et en faire aux autres. Elle se cherche sans cesse... Une femme avec ses failles, une personnalité complexe et fragile qui dit sa vérité, qui accepte de ne pas toujours être celle qu'on attend...
J'ai adoré l'interprétation de Virginie Efira et son personnage, j'ai moins aimé ceux de Margot, de Mika la réalisatrice, d'Etienne le compagnon qui sert un peu à rien. Édith, la soeur et Gabriel, l'amant perdu, sont sous exploités.
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