Mon cinéma d'octobre / 2021

Publié le 2 Novembre 2021

Les Olympiades de Jacques Audiard
 
Paris 13e, quartier des Olympiades. Emilie rencontre Camille qui est attiré par Nora qui elle-même croise le chemin de Amber. Trois filles et un garçon. Ils sont amis, parfois amants, souvent les deux.
 
Un vrai coup de cœur pour ce film dont je trouve épatant que ce soit Jacques Audiard aux manettes et non un.e jeune réal.
Aidé de Céline Sciamma et Léa Mysius au scénario mais tout de même.
Un souffle frais, nouveau, jeune, contemporain et socialement bien vu. Le casting donne des premiers rôles à Lucie Zhang et Makita Samba et je me demande bien pourquoi on ne voit pas plus cette diversité dans le cinéma français. Ils sont excellents, Lucie Zhang est une sacrée révélation, une boule d’énergie, de naturel et de drôlerie.
Je n’avais pas plus flashé que ça sur Noémie Merlant dans « Portrait de la jeune fille en feu » et là elle m’a bluffée, elle est sublime et son jeu est dingue.
 
Paris est magnifiquement filmée dans un noir et blanc qui sublime les décors et les corps. Le film dégage une sensualité folle avec naturel, ce n’est jamais vulgaire ni de trop.
Les personnages de ces 4 trentenaires sont admirablement écrits. Ils ont tous une personnalité, ils sont intéressants, compliqués mais pas trop et bien dans leur époque.
Leur vie sociale et professionnelle, leurs relations familiales, leur culture mais surtout leurs amours et le désir d’être aimé ou l’idée qu’ils se font de la façon dont ils doivent être aimés, sont décortiqués avec passion mais aussi avec humour.

A la fois comédie romantique pas classique, chronique sociale attachante et portrait d’une génération, Les Olympiades apporte un souffle nouveau sur le cinéma français.
 
D'après trois nouvelles graphiques de l’auteur américain Adrian Tomine : Amber Sweet, Killing and dying et Hawaiian getaway.
 

Illusions perdues de Xavier Giannoli

Lucien est un jeune poète inconnu dans la France du 19e. Il quitte Angoulême pour tenter sa chance à Paris, au bras de sa protectrice, Louise de Barjeton. Bientôt livré à lui-même dans la ville fabuleuse, le jeune homme va découvrir les coulisses d’un monde voué à la loi du profit et des faux-semblants. Une comédie humaine où tout s’achète et se vend, la littérature comme la presse, la politique comme les sentiments, les réputations comme les âmes. Il va aimer, il va souffrir, et survivre à ses illusions...


J’ai fini le livre juste avant de voir le film, j’ai lu le livre en ayant l’image de Benjamin Voisin en Lucien et au cinéma, sa beauté, son charme et sa fragilité incarnent à merveille ce personnage aux illusions perdues. Il est un Lucien de Rubempré magistral, étincelant. Tout le casting est excellent, Vincent Lacoste cynique à souhait en Lousteau, Salomé Dewaels en Coralie dont l’amour fou pour Lucien se reflète dans ses grands yeux expressifs, Depardieu en Dauriat, Xavier Dolan en Nathan aussi bon acteur que réal, Cécile de France en Louise (son personnage dans le film est plus sympa que dans le livre) et tous les autres...
 
Le film est une adaptation grandiose, virevoltante et plutôt fidèle du roman (avec citations extraites du roman).
Il se concentre sur la partie du milieu, celle ou Balzac dépeint la noblesse parisienne dans toute sa perfidie, le milieu de la presse, de l’édition, du théâtre dans toutes leurs combines méprisables dont l’argent est le moteur.
Une critique cynique et sans concessions qui montre tous les rouages d’un système corrompu : critiques achetés, réclame, articles « fake news », applaudissements ou sifflets payés…
 
Lucien, qui veut sortir de son milieu et devenir un artiste reconnu, est une distraction pour cette noblesse qui s’ennuie. Entre humiliations et moments de gloire, il fait souvent les mauvais choix, sa vanité est plus forte que tout, elle l’aveugle. Son histoire est une chronique d’une chute annoncée, il fera les frais d’un système dans lequel chacun doit rester à sa place…

Une superbe reconstitution de Paris, ses soirées mondaines, la mode, les ambiances des théâtres, l’agitation dans les salles de presse…

Apparences, faux semblants, un monde d’illusions dans lequel on se brûle. Que ce soit au 19e ou aujourd’hui, ce qui frappe c’est la modernité du propos, peu importe les costumes d’époque et ça vaut pour le film dont la mise en scène de Xavier Giannoli a réussi à rendre accessible et fluide un roman qui ne l’est pas toujours.

The French Dispatch de Wes Anderson

The French Dispatch met en scène un recueil d’histoires tirées du dernier numéro d’un magazine américain publié dans une ville française fictive du 20e siècle, Ennui-sur-Blasé.
 
Arthur Howitzer Jr., fondateur d’un grand magazine vient de mourir. Son équipe lui rend hommage en racontant 3 histoires qui ont donné lieu à 3 grands articles. 3 histoires mises en scène et racontées par les journalistes qui l'ont écrite.

Je suis partagée parce qu’il y a le fond qui m’a parfois ennuyée et la forme que j’ai adoré. Je suis fan de Wes Anderson et ça me fait toujours quelque chose de ressortir de la salle avec un sentiment mitigé quand il s’agit d’un auteur que j’aime.

L’identité visuelle qu’il a réussi à créer depuis ses débuts est bien là, on la reconnait entre mille, sur ce film c’est une apothéose, d’une richesse exceptionnelle. La petite partie animée est sublime.
Chaque plan est une œuvre d’art, le film serait un bel objet d’étude dans les écoles d'art. Puisque je fais le parallèle avec l’art (sujet de l’histoire 1), je le vois comme une installation dont chaque détail raconte une histoire. Justement il y avait trop de mots là où je voulais prendre le temps de regarder les images.
 
Pourtant malgré la beauté plastique et la folie douce, je n’ai pas accroché aux histoires. A la limite la 2e qui évoque Mai 68 et plus généralement la révolte sociale, dans laquelle le trio Lyna Khoudri, Thimothée Chalamet et Frances Mc Dormand est réjouissant.
Dans l’ensemble il m’a manqué les émotions et l’humour trop timide. Le film aborde des thèmes comme la neutralité de la presse, l’anti-militarisme, la surenchère du marché de l’art. On sent l’hommage à la France, à son cinéma, à ses traditions. Ennui-sur-Blasé c’est un Paris que l'on reconnaît (même si c'est tourné à Angoulême 😊)

La galerie de personnages est délirante tout comme le casting franco-américain.
 
Mitigée donc mais c’est un film à revoir, une vision ne suffit pas à appréhender toute cette richesse, je sens que mon avis pourrait évoluer la prochaine fois …

Julie en 12 chapitres de Joachim Trier
 
Julie, bientôt 30 ans, n’arrive pas à se fixer dans la vie. Alors qu’elle pense avoir trouvé une certaine stabilité auprès d’Aksel, 45 ans, auteur à succès, elle rencontre le jeune et séduisant Eivind.
 
En 12 chapitres avec un prologue et un épilogue, le film aborde un thème universel, qui on est et comment on trouve sa place dans la société et dans le monde.

Julie irradie, elle illumine l’écran de ses sourires, difficile de la quitter des yeux tellement elle dégage quelque chose de magnétique, entre la grâce, la douceur et la sincérité. L’actrice Renate Reinsve mérite son prix d’interprétation à Cannes.

Julie est une croqueuse de vie, amoureuse, dilettante, hésitante et pourtant elle sait ce qu’elle ne veut pas dans la vie.
Est-ce vraiment de l’instabilité que de changer d’études parce qu’on ne sent pas à sa place ? Ou de changer d’amoureux parce qu’on pense avoir été au bout d’une histoire ou parce qu’on ne va pas dans la même direction ? Doit-on toujours vivre dans la stabilité pour suivre un schéma de société ?
Je trouve intéressant ce débat parce que c’est plus facile de juger les comportements que de les comprendre ou les accepter.

Entre magie et désenchantement, les amours de Julie nous parlent. Un récit de son époque avec le féminisme, #metoo, le désir d’enfant, la différence d’âge, le rapport à la famille…
 
J’ai énormément aimé mais pas adoré non plus. Certains chapitres m’ont semblé de trop. Disons que ce qu’il me reste du film ce sont surtout des ambiances, des mouvements de caméra, des visages, beaucoup plus que les histoires.
La mise en scène tonique ou au ralenti, l’accompagnement musical qui marche à fond et la façon de filmer ces moments de flirt, ces moments où le charme opère, sont sublimes. Le chapitre sur l’infidélité a été pour moi un pur moment de magie au cinéma.
 
Ps : dans le prologue on voit souvent Julie à la fac, les salles de cours à Oslo sont à moitié vides, ça m’a laissé rêveuse…

 

First cow de Kelly Reichardt
 
Au début du 19e siècle, sur les terres sauvages de l’Oregon, Cookie Figowitz, un humble cuisinier, se lie d’amitié avec King-Lu, un immigrant d’origine chinoise. Rêvant tous deux d’une vie meilleure, ils montent un modeste commerce de beignets qui ne tarde pas à faire fureur auprès des pionniers de l’Ouest. Le succès de leur recette tient à un ingrédient secret : le lait qu’ils tirent clandestinement chaque nuit de la première vache introduite en Amérique, propriété exclusive d’un notable des environs.
 

J’ai mis du temps à entrer dans le film, ce fut long à démarrer et à habituer mes yeux à l’écran bien sombre, on ne voyait pas grand-chose des scènes de nuit (ma salle ou la photo du film ?). Puis le charme a opéré.
Une histoire de rencontre au hasard qui se transforme en amitié, une vie de pionniers très proche de la nature, un rythme lent, contemplatif qui permet de s’imprégner d’une ambiance et d’un univers.

Si vous pensez tout avoir vu de la représentation de la conquête de l’Ouest, ce film va vous surprendre. Il est à contrecourant de tout ce qu’on a pu voir sur le sujet avec des trappeurs, des indiens, des colons…

Les héros sont des types normaux et attachants qui veulent juste survivre et espérer mieux mais ça ne les empêchera pas de succomber à l’appât du gain, ils font les mêmes erreurs que tout le monde. Pourtant Cookie a un vrai trésor dans ses mains. Il donne de l'espoir et de la joie avec ses pâtisseries. Les scènes où il parle avec la vache sont délicates, incongrues et magiques.

On s’attend à voir de la violence vu la période et certaines situations mais justement elle ne vient pas troubler l’histoire, elle est sous-entendue.

Un prologue qui raconte l’épilogue mais on le comprend assez vite et l’espoir qui anime nos anti-héros a été bien vite réduit à néant pour moi. Un film que j'ai trouvé assez noir au final qui sous-entend que c’est beau tant que ça dure… et le film est beau !

Les Intranquilles de Joachim Lafosse

Leïla et Damien s’aiment profondément. Malgré sa fragilité, il tente de poursuivre sa vie avec elle sachant qu’il ne pourra peut-être jamais lui offrir ce qu’elle désire.

Damien s'agite dans tous les sens, il veut faire mille choses à la fois. On comprend que c'est la maladie qui parle, l'état maniaque en high level.
Sa famille vit à son rythme à lui, s'il prend son traitement ça va, sinon il faut être vigilant et Leïla est sans arrêt en mode alerte tout comme leur fils Amine qui sait décrypter si son père va bien. C'est un chemin qu'ils prennent ensemble.

La maladie gérée, c'est une vie comme une autre dont l'amour est le ciment. Mais justement il arrive que ce ne soit plus gérable quand Damien ne se médicamente plus, il devient imprévisible, un danger pour lui et les autres.

L'amour aussi puissant soit-il peut-il résister à ces montagnes russes émotionnelles ? Comment supporter de voir l'homme qu'on aime se détruire et détruire les autres, d'avoir peur pour leurs vies ? Comment résister quand on est tout le temps sur le qui-vive ?
Leïla n'arrive pas à lâcher prise, elle est enfermée dans une relation très difficile. Elle s'oublie, elle ne pense qu'à Damien et son impuissance est déchirante, son épuisement fait mal.

Le film ausculte ces rapports familiaux avec un bipolaire, les conséquences sur la vie quotidienne mais aussi les relations avec les autres, amis, voisins, collègues... Cette maladie dont on ne guérit jamais mais avec laquelle on peut vivre malgré tout.

Une fin de film comme la situation décrite qui est sans fin...

Damien Bonnard est remarquable, intense en contraste avec le calme et la sobriété de Leïla Bekthi qu'on a envie de serrer dans les bras. Leur couple est magnifique, des artistes, il peint, elle remet en état des objets mais pas Damien, elle ne peut pas le réparer. Un très beau film qui bouleverse de justesse et de sincérité.

 

Le sommet des Dieux de Patrick Imbert

A Katmandou, Fukamachi, photographe alpiniste, se lance sur les traces de Habu, alpiniste chevronné au passé douloureux. Habu semble détenir un appareil photo qui pourrait changer l’histoire de l’alpinisme et répondre à une question laissée sans réponse depuis 70 ans. Et si George Mallory et Andrew Irvine étaient les premiers hommes à avoir atteint le sommet de l’Everest, le 8 juin 1924 ?

Cette adaptation du manga de Jiro Taniguchi est graphiquement très belle. On retrouve vraiment les ambiances et l'univers du célèbre mangaka. Les destins croisés de Habu et Fukamachi nous entrainent dans les sommets de l'Himalaya. On entre dans un milieu que je connais mal, celui de l'alpinisme entre concurrence et entraide, choix déchirants, compétition acharnée et risques incroyables. La montagne et la solitude choisie qu'on ressent devant ces images sublimes même si c'est de l'animation.

A travers l'enquête entre passé et présent pour dénouer les mystères de l'Everest, le Graal des alpinistes, on va découvrir une histoire de transmission, d'apprentissage, de dépassement de soi.

Peut-on comprendre cette passion plus forte que la vie ? Ces défis permanents qui font aller toujours plus haut, toujours plus loin avec des conditions toujours plus dures ? Pourquoi tenter l’inatteignable ? Une envie plus forte que tout, se sentir vivant en grimpant. Fukamachi va vivre intensément et comme jamais en suivant Habu et en marchant dans ses traces.

Pour moi c'était une épreuve les scènes d'alpinisme avec du danger, j'étais vraiment en stress dans les moments où je sentais que ça pouvait basculer pour le pire... Un film que j'ai "vécu" très fort !

Un magnifique hommage aux alpinistes, les dieux de la montagne.

Mourir peut attendre de Cary Joji Fukunaga

James Bond n'est plus en service et profite d'une vie tranquille en Jamaïque. Mais son répit est de courte durée car l'agent de la CIA Felix Leiter fait son retour pour lui demander son aide. Sa mission, qui est de secourir un scientifique kidnappé, va se révéler plus traître que prévu, et mener 007 sur la piste d'un méchant possédant une nouvelle technologie particulièrement dangereuse.

C'est la dernière fois que Daniel Craig incarne 007, je ne pouvais manquer ce rendez-vous sur écran géant. Pour moi il a été le meilleur James Bond, plus moderne et sombre (Skyfall reste un must dans la saga), même s'il ressemble plus à un russe qu'à un anglais !
Sean Connery j'adorais mais ca reste vintage, une autre époque.

Il y a débat sur ce film qui divise les fans de 007 mais moi tout ça me laisse de marbre. J'ai passé un bon moment au cinéma et je ne suis pas déçue. Je crois néanmoins que c'est la première fois que j'ai des mini larmes pour un James Bond parce la fin de quelque chose et ça m'a émue quand même tout ce qui arrive à James qui suit une évolution personnelle différente de ce qu'on attend de lui. Il révèle une belle part d'humanité... est ce la maturité ou autre chose ? Quoi qu'il en soit j'ai apprécié.

Le début à Matera, ville coup de coeur de mon trip dans Les Pouilles, est magique. Comme je ne spoile jamais j'arrête là !
Même si j'aurais aimé une fin différente je n'ai pas boudé mon plaisir ni trouvé le temps long.

Je me fiche d'être une puriste ou une vraie fan, je n'ai pas lu les livres et ça ne me manque pas pour juste apprécier les films. Bon c'est vrai je concède que Léa Seydoux n'est pas hyper crédible en Madeleine, elle manque de maturité. I miss Eva Green !

Et il y a la musique de Billie Eilish qui a signé la plus belle chanson de tous les Bond (mon avis !) Frissons...

Stillwater de Tom McCarthy

Bill Baker, un foreur de pétrole débarque à Marseille du fin fond de l’Oklahoma, pour soutenir sa fille dont il n'est pas proche mais qui purge une peine de prison, accusée du meurtre de sa petite amie qu’elle nie avoir commis. Barrage de la langue, différences culturelles, système juridique complexe, rien n'arrête Bill qui met un point d’honneur à innocenter sa fille. Au cours de ce cheminement intime, il va se lier d’amitié avec une jeune femme du coin et sa petite fille...

Stillwater est inspirée de l'histoire vraie d'Amanda Knox dont je me souviens très bien, à l'époque les médias étaient en boucle sur cette histoire et dans le film on aborde cet aspect et le rôle qu'ils peuvent jouer sur l'opinion.
Après avoir été un père absent au comportement pas irréprochable, Bill tient l'occasion de se rattraper, ce qu'il va faire avec sa fille mais aussi avec Maya la fille de Virginie. Une entraide mutuelle s'installe et Bill prend racine à Marseille. Tout en enquêtant pour faire prouver l'innocence de sa fille, il tente de renouer des liens et d'en tisser de nouveaux. Ce voyage le changera à jamais.

Pas évident d'être un américain et un inconnu dans une ville étrangère et Marseille a des codes qu'il faut connaître. D'ailleurs l'immersion dans la ville est chouette et la séquence du match au Vélodrome donne envie d'y assister.

Je ne me suis pas ennuyée sur les 2h20 et j'ai bien aimé ce film qui prend son temps pour installer des personnages et des moments de vie. Chacun parle sa langue et ce n'est pas le film américain de base où le monde entier parle anglais avec un accent. Matt Damon est parfait en américain fermé qui va s'ouvrir petit à petit aux autres, il est très bien accompagné par Camille Cottin.
 

Cette musique ne joue pour personne de Samuel Benchetrit

Dans une ville portuaire, des êtres isolés, habitués à la violence, vont soudain voir leurs vies bouleversées par le théâtre, la poésie et l'art. Et leurs quotidiens, transformés par l'amour...

J'ai une certaine tendresse pour les films de Samuel Benchetrit qui met souvent en scènes des personnages cabossés dans des milieux populaires. Il instaure des ambiances que j'aime. Un casting génial ici et l'alchimie fonctionne entre tout le monde.

Ce n'est pas une idée originale, une vie terne ou rébarbative transformée via l'art, mais ça a marché pour moi grâce à la façon dont sont liés tous les personnages. Ils ne se rencontrent pas par hasard, leurs destins sont liés par leurs actions et petit à petit il y aura des prises de conscience, des attentions aux autres, des sorties de zone de confort.

Il y a aussi le film dans le film, ou plutôt la pièce de théâtre dans le film et elle devrait être mise en scène, ça pourrait marcher ! Vanessa Paradis en Simone de Beauvoir est parfaite. Tout comme l'est tout le casting. Mention spéciale pour Jules Benchetrit que je trouve de plus en plus épatant.

De l'humour, de l'absurde et beaucoup d'amour et de tendresse. Le film divise d'après ce que j'ai lu mais moi j'ai passé un bon moment avec cette grande famille recomposée.

Freda de Gessica Geneus

Freda habite avec sa mère et sa soeur dans un quartier populaire de Port-au-Prince. Face aux défis du quotidien en Haïti, chacune se demande s’il faut partir ou rester. Freda veut croire en l’avenir de son pays.
 

Autour de Freda, sa mère fait tourner une petite épicerie, sa sœur Esther se blanchit la peau et rêve d’un mariage d'argent et son frère se prépare à quitter Haïti pour ses études. 

A travers leurs portraits, le film raconte une vie quotidienne entre l’insécurité et la lutte pour une vie décente, les manifestations, la répression la corruption qui gangrènent le pays. Une jeunesse haïtienne aux débouchés peu nombreux surtout dans les classes populaires.

Fuir ou rester et se battre sur place, y croire encore ?

Le contraste est dur entre les ghettos et les quartiers riches où des blancs tiennent les hôtels, restaurants chics et font travailler les noirs. 
Un débat intéressant sur le colonialisme et comment cela influe encore sur la construction des jeunes. Le film est en créole et l'utilisation de la langue est signifiante selon les situations.
La perte d’identité et de culture sont des sujets dont s'empare cette jeunesse empêchée d'étudier, les profs en grève car non payés.

Et le regard intense de Freda qui est là pour tout le monde, qui va à la fac et qui travaille, qui aime son pays et qui garde espoir, qui se demande si elle doit suivre son amoureux... Freda dont la mère est aveuglée par sa religion, par ses croyances mais surtout par sa peur… 

Les personnages féminins du film sont forts et solidaires. Ils montrent bien les destins écrits par avance et le courage de ces femmes qui avancent malgré tout. Magnifiques actrices...

De belles scènes de jeunesse qui s'amuse rythment le film comme les pauses nécessaires dans cette vie de luttes incessantes.

Un film qui donne une image réelle du Haïti d’aujourd’hui (c'est rare voire inexistant au ciné), un cinéma qu'il faut soutenir, une source d'espoir...
Allez le voir, soyez curieux !

Mon légionnaire de Rachel Lang

Ils viennent de partout, ils ont désormais une chose en commun : la Légion Étrangère, leur nouvelle famille. Mon Légionnaire raconte leurs histoires : celle de ces femmes qui luttent pour garder leur amour bien vivant, celle de ces hommes qui se battent pour la France, celle de ces couples qui se construisent en territoire hostile.
 
On est loin des images éculées et clichés sur la légion étrangère. Quand j’étais jeune, j’entendais des choses sur cette légion et ça me faisait peur. Je sais que ça a beaucoup changé.

Le film nous plonge d’une façon quasi documentaire dans la vie de la Légion, en mission ou en famille, au Mali et en Corse où ils sont basés. Il nous montre les coulisses et la vie des familles durant les missions. D’un côté on a les missions, le danger, les risques et le lien toujours maintenu avec « l’extérieur » et de l’autre, les femmes et les enfants qui attendent, qui vivent avec l’absence plus ou moins bien.

Il y a cette jeune femme qui dénote, Nika (douce et lumineuse Ina Marija Bartaité promise à une belle carrière mais décédée en avril 21) venue rejoindre son futur mari Djenko. Il y aussi Céline (Camille Cottin), la femme avocate de Maxime (Louis Garrel) le chef de section, qui n’est pas dans le mood Club des épouses et à qui on reproche de ne pas jouer le jeu. On sent leur complicité de couple pourtant c’est fragile car les missions sont de plus en plus longues et fréquentes. On sent la difficulté pour les légionnaires de reprendre ‘leur vie’ après chaque mission, il y a comme une incompatibilité entre leur engagement très fort et leur vie de famille.
 
Un film clinique et froid qui semble dénué d’émotions mais je me dis que cette mise en scène fait ressortir le fait que les légionnaires doivent justement refouler les émotions pour faire face aux situations critiques en mission. C’est Nika qui marque en montrant justement toutes les émotions qui la traversent...

La fracture de Catherine Corsini
 
Raf et Julie, couple au bord de la rupture, se retrouvent dans un service d’urgences proche de l'asphyxie le soir d'une manif parisienne Gilets Jaunes. Elles rencontrent Yann, un manifestant blessé et en colère. À l'extérieur, la tension monte. Le personnel est débordé. La nuit va être longue…
 
On suit 4 parcours le temps d’une nuit explosive. Raf et Julie, deux bobos en mode rupture mais pas trop, Yann manifestant blessé dont l’obsession est de reprendre son travail malgré son état et Kim, infirmière qui enchaine les gardes alors que son bébé est malade. Ils sont au cœur d’une nuit intense à l’hôpital tout en luttant avec leurs problèmes persos qu’on ne devine pas au premier abord. Les apparences et la réalité, les préjugés.
Le dialogue entre tout ce petit monde n’est pas toujours fluide, la prise de conscience semble réelle. Mais l’est-elle vraiment ? On peut soutenir ou non les manifestations mais peut-on cautionner les violences policières ? Même si c'est de la riposte ?

De belles rencontres et un dialogue entre les classes qui dure le temps d’une nuit mais au lever du jour j’ai l’impression que chacun.e retournera à sa vie…
 
Catherine Corsini a réussi à prendre le pouls d’une société au bord de la fracture qu’elle soit entre les personnes ou dans le dialogue social. A travers les histoires personnelles, elle montre un état de lieux triste et réaliste du système hospitalier : manque flagrant de personnel et de moyens.
Kim, la bienveillance incarnée, doit garder son calme entre les patients qui ne cessent d’arriver, ceux qui hurlent, se plaignent, sans trop penser à sa famille. Elle songe à arrêter, l’espoir est absent…
 
Trop de fractures qu’on aimerait pouvoir réparer, trop de gens à bout dans une société à bout… Un film fort et prenant qui remue tout en étant vraiment drôle. Le potentiel comique de Valeria Bruni Tedeschi est immense. Un casting réussi entre la douceur de Aissatou Diallo Sagna (infirmière dans la vie), l’empathie de Marina Foïs sous ses airs d’indifférence et la puissance du jeu de Pio Marmaï en Yann.


 

Las niñas de Pilar Palomero
 

1992. Celia est une jeune fille de 11 ans qui vit avec sa mère à Saragosse et étudie dans un collège pour filles dirigé par des bonnes sœurs. Brisa, une nouvelle camarade arrivant de Barcelone, l’entraîne vers une nouvelle étape de sa vie : l’adolescence.
 
Dans l’Espagne post Franco, la religion a encore beaucoup d’emprise sur la vie des gens en province. Celia et sa mère célibataire évoluent dans un monde où la religion et la morale gèrent et détruisent les relations familiales et sociales. Il ne faut jamais sortir du moule sous peine d’humiliations et de leçons de vie très dures que ce soit entre adultes et enfants ou filles entre elles. Le collège religieux de Célia et ses amies veille partout et tout le temps.
 
On suit une groupe de jeunes filles qui grandissent et qui évoluent qu’elles soient au début de l’adolescence où en plein dedans.
Les petites veulent ressembler aux grandes qui veulent ressembler aux adultes, elles bravent les interdits : maquillage, musique, alcool, sorties… Elles rêvent de liberté.

C’est cet âge où on hésite entre la petite fille qu’on est encore et l’ado qu’on est en train de devenir. Celia qui se rebelle et qui défie toutes les autorités le jour où elle découvre un aspect de sa vie qu’elle ignorait. Son désarroi et sa colère rentrée bouleversent.
 
Un premier film touchant dans lequel on voit l’héritage de Carlos Saura. Il manque peut-être quelque chose, le film m’a émue sans le sentiment d’avoir été transportée, mais on ne peut pas oublier les grands yeux graves et expressifs de Celia (magnifique jeune actrice Andrea Fandos) posés

Rédigé par Carole Nipette

Publié dans #Avis cinéma-Revue de films

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T
Ah, enfin un film que j'aie vu dans ces récup mensuels de l'an dernier! <br /> C'est sûr que je vais moins en salle que vous (votre journée à séance(s) étant le mercredi, si j'ai bien compris)... Après, j'en vois certains une fois que le DVD est sorti... Bref.<br /> Pour le James Bond 007 Mourir peut attendre, d'accord avec votre vision de CE film (la fin d'un cycle...). Un peu d'attente pour voir comment les producteurs vont pouvoir "reboo(s)ter" la ""franchise"" (je déteste ce mot hypocrite!). Pour ce qui est de mon rapport aux livres: j'ai les "classiques" (écrits par Ian Fleming) en parution des années 1970 (peut-être ont-ils été retraduits depuis...), quelques novelizations, des "continuations" jamais portées au cinéma... (mais certainement pas tout ce qui a pu être rédigé!). J'essayerai de chroniquer d'ici quelques semaines le livre-témoignage de Roger Moore sur le tournage de Vivre et laisser mourir. Et quant au côté "vintage" des premiers films... Pour moi, c'est surtout les décès de Connery et de Moore qui ont marqué la fin d'une époque (alors que "tous les Bond" successifs pouvaient pendant de longues années être réunis et (s) parler les uns des (aux) autres... <br /> (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
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W
Merci pour ta présentation je me laisserai bien tenter par les 2 premiers. J'ai vu le dernier James Bond et j'ai bien aimé également (même si Skyfall reste mon préféré)
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P
Très tentée par la fracture, mais pas par les olympiades.... tout simplement parce que je trouve ce quartier moche, avec cette énorme nouvelle tour horrible qui défigure le paysage sur des kilomètres à la ronde. le film se déroulerait dans un petit village de montagne, j'aurais mieux envie de le voir :-D
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C
j'ai habité par procuration un peu dans ce quartier et j'y ai de bons souvenirs !
L
Tous ces films ou presque sont dans ma liste de films à voir :) Je n'en ai vu qu'un The French Dispatch, et je partage ton avis, visuellement magnifique, chaque plan est une oeuvre d'art en soi, la narration, toutes ces histoires dans l'histoire dans l'histoire. Mais peut-être trop d'histoires, trop vite, trop de personnages, trop. Casting incroyable. L'histoire qui m'a le plus plu, celle du peintre en prison.
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C
J'ai envie de le revoir plus tard chez moi (sur mon écran géant !) pour faire des arrêts sur image !
G
On devait aller voir les marvel et au final on a choisi un restau ^^<br /> c'est vrai que le ciné est loin de chez nous, du coup la flème<br /> mais dommage car il y a de belles choses à l'affiche
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C
l'appel du ventre ;) moi aussi c'est loin du coup c'est pour ça que je me fais souvent deux ou trois films d'affilée ! mais bon je suis seule, c'est plus facile...
S
Illusions perdues est sur ma liste, j'avais l'interview dans Quotidien et j'ai trop hâte de le voir !
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C
j'avais aussi l'interview et je craque tellement sur Benjamin Voisin !
M
J'ai écouté une interview des acteurs de Olympiades et vu la bande annonce et ça m'a donné envie d'aller le voir.<br /> Nous on est allés voir Dune lundi et on a bien aimé!
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C
:) Dune je pense que je le reverrai avec plaisir !