Mon cinéma de Janvier 2022

Publié le 3 Février 2022

Un bon mois avec 16 films, j'ai essayé d'aller voir presque tout ce que voulais. Je fais malheureusement l'impasse sur les documentaires parce pour ça il faudrait que je ne travaille pas... Du bon et du moins bon, j'essaie d'aller voir des films que je pense aimer mais parfois il y a de belles déceptions.

The card counter de Paul Schrader
 
"Mutique et solitaire, William Tell, ancien militaire devenu joueur de poker, sillonne les casinos, fuyant un passé qui le hante. Il croise alors la route de Cirk, jeune homme instable obsédé par l’idée de se venger d’un haut gradé avec qui Tell a eu autrefois des démêlés. Alors qu’il prépare un tournoi décisif, Tell prend Cirk sous son aile, bien décidé à le détourner des chemins de la violence, qu’il a jadis trop bien connus…"
 
Dès le début s’installe une atmosphère de film noir avec musique (bande son ) et voix off qui vont bien.
William Tell est un homme secret, conditionné par ses années de prison dont on va découvrir la raison. Il gère sa vie comme ses parties de carte, minutieusement, au carré et tout ça est bien froid.
Sa rencontre avec Cirk va bouleverser son quotidien bien rodé pour ne pas penser à tout le reste. Tout comme celle avec Linda, une agente de tournois de poker. A eux trois ils sont une sorte de famille pour trois solitaires.
Blessures du passé, vengeance, expiation, culpabilité, rédemption…
Le film revient sur un passé bien sombre de l’armée américaine, je n’ai pas pu regarder certaines scènes.
Toujours ce fichu passé qui revient hanter les vivants… William parviendra-t’il à sauver Cirk et à se sauver lui-même ?

Un film qui prend le temps d’installer un très beau et intéressant personnage d’ancien militaire qui a obéi à des ordres tout en puisant dans sa personnalité. Oscar Isaac parfait comme d’habitude. Une mise en scène classe et sobre qui mixe bien les scènes de jeux avec les scènes de vie.

Je retiens une sublime scène de ville illuminée sur une chanson tout aussi sublime, « Rapture » de Robert Levon Been (qui a signé toute la BO du film, une réussite), de l’amour puissance 100 000, magique…

Twist à Bamako de Robert Guédiguian
 
"1962. Le Mali goûte son indépendance et les jeunes de Bamako dansent sur le twist. Samba, fils d'un riche commerçant, vit corps et âme l'idéal révolutionnaire, parcourt le pays pour expliquer aux paysans les vertus du socialisme. C'est là, en pays bambara, que surgit Lara, mariée de force, dont la beauté et la détermination le bouleversent. Ils savent leur amour menacé. Mais ils espèrent que, pour eux comme pour le Mali, le ciel s'éclaircira."
 
Voilà un film tellement riche. Il revient sur une histoire que l’on connait mal et prend le pouls d’un pays au moment de son indépendance et de ses espoirs nouveaux.
Le socialisme ou la répartition des richesses pour tous a du mal à prendre surtout dans les villages où les chefs se sentent menacés.
La révolution est belle tant qu’elle n’empiète pas sur les privilèges, on retrouve l’éternel début entre tradition et modernité qui est accentué avec la différence entre villes et villages.
 
Magnifiques images d’une jeunesse malienne pleine d’idéaux et d’envie de libertés, qui s’étourdit sur les sons des anciens colonisateurs, une belle contradiction. Les consciences s’éveillent mais il n’est pas si simple de devenir indépendant ni de révolutionner les comportements.
 
Les illusions perdues… Samba découvre que son bel idéal peut être source d’interdictions et de brimades quand la politique s’en mêle.
Il fait la révolution pour son pays mais pour sauver son histoire d’amour il va devoir faire une autre révolution. Est-elle vouée à l’échec ? "Les révolutions ne se font pas en un jour" selon son chef. "C’est bien pour ça qu’elles échouent" répond-il. Il y aussi la condition de la femme, des mots qu’on a du mal à entendre "le viol n’existe pas quand on est marié".

Tout le film est ponctué de clichés en NB qui lui donnent encore plus de vie et de fraicheur. Un hommage à Malik Sidibé, ce sont ses photos qui ont donné envie à Guédiguian de faire ce film.
 
Un film que j’ai beaucoup aimé mais constat final amer, une oppression en remplace une autre. La liberté et l’égalité sont plus que jamais essentielles et à reconquérir.
Un très beau casting jeune et plein de fougue

Mes frères et moi de Yohan Manca
 
"Nour, 14 ans vit dans un quartier populaire au bord de la mer. Il s'apprête à passer un été rythmé par les mésaventures de ses grands frères, la maladie de sa mère et des travaux d'intérêt général. Alors qu’il doit repeindre un couloir de son collège, il rencontre Sarah, une chanteuse lyrique qui anime un cours d’été. Une rencontre qui va lui ouvrir de nouveaux horizons."
 
Nour tente d’exister entre ses 3 grands frères qui prennent beaucoup de place et qui ont tendance à le considérer comme un adulte. Ils vivent dans un HLM avec leur mère malade. Il évolue dans un environnement macho et viril.
Nour est en admiration devant Pavarotti et sa voix, une musique qui a son importance dans le story telling familial. Il détonne par rapport à ses frères. Abel l’ainé, joue les chefs de famille, prend son rôle très au sérieux, gronde souvent mais dans le fond c’est plus une façon de se protéger. Hedi, petit dealer, très en colère après la vie et Mo, gigolo adorable.
Entre débrouille et petits trafics, chacun essaie de participer aux frais du foyer. Des cris et de l’amour aussi, une famille à l’italienne, comme le père absent, de la fratrie.
Avec Sarah, Nour trouve une attention et une tendresse qui lui manquait, elle est source d’inspiration, d’admiration, une figure maternelle dans un environnement masculin. Il s'échappe de son quotidien et rêve d'un autre avenir.

Le film pose le profond regard de Nour sur sa vie, sur sa famille. C’est à travers ses yeux qu’on observe, qu’on tremble, qu’on vibre et qu’on s’émeut. Les scènes musicales sont belles d’espoir et de possible.

Un premier film réussi, doux et émouvant, drôle et triste comme la vie, j’aurais bien fait durer le plaisir plus longtemps. Et la bande originale est magnifique, on se remémore tous ces morceaux d’opéra qu’on adore.
Tout le casting est parfait mais j'avoue mon faible pour Dali Benssalah (Abel) aussi convaincant lorsqu’il joue les brutes que lorsqu’il sourit, du coup j’ai dévoré la top mini-série Les Sauvages, dont il tient le premier rôle, dans ma liste depuis longtemps.
Foncez le voir ! Feel good !

Licorice pizza de Paul Thomas Anderson
 
"Années 70. Gary Valentine habite le quartier d'Encino de LA. Enfant acteur profitant d'une certaine célébrité, l'ado de 15 ans possède du charisme à revendre. Le jour de la photo de classe au lycée, il tombe amoureux d'Alana Kane, une assistante du photographe. A 25 ans, Alana habite toujours chez ses parents et cherche sa voie."
 
Gary sait parler et charmer, il est très mature, très à l’aise dans toutes les situations. Un ado star qui connaît tout le monde et que tout le monde aime. Il a ces certitudes qu’on a sur la vie et l’amour quand on a 15 ans. Mais à 25 ans, peut-on vraiment tomber amoureuse d’un ado de 15 ans ?
C’est ce qu’on va se demander tout au long du film et des années durant lequel on va voir le regard d’Alana sur Gary, changer.

Ils ne vont plus se quitter tout en n’étant pas ensemble. On va les suivre dans leurs tentatives de prendre la main sur leurs vies. Lui, surfant sur toutes les opportunités, l’Amérique de la libre entreprise et du business. Elle l’accompagnant dans ses aventures (la scène du camion, pur délire !) ou tentant de jouer dans la cour des adultes en s’engageant pour une campagne électorale.
Le film se focalise sur leur relation intime tout en mettant en lumière quelques personnages liés au cinéma et à la vie politique. On sent l’hommage à un quartier, une époque et au cinéma hollywoodien avec beaucoup de références cinéphiles…
Pas de linéarité dans le récit, plutôt des tranches de vie entre la rencontre (superbe scène du début) et la fin attendue.
 
Un film qui fait du bien et ça joue sur son succès critique à mon avis : pas de thème déprime, pas de guerre, pas de fin du monde, pas de maladie, pas de violence… c’est vintage, c’est beau, c’est nostalgique à fond les ballons, c’est la décennie de la liberté et la musique est carrément bonne. De la légèreté, de l’humour et de l’amour.
Cooper Hoffman, tellement naturel, va devenir un acteur avec lequel il faudra compter, je le sens et Alana Haim réussit à mixer coolitude et classe.
J’ai beaucoup aimé mais pourtant il m’a manqué un petit truc pour être totalement fan. En tout cas, à chaque film PTA nous embarque dans un autre univers.

Nightmare Alley de Guillermo del Toro
 
"Dans les  années 30, le mystérieux Stanton Carlisle croise la route d'un cirque mêlant fête foraine et freak show. Il est rapidement embauché comme homme à tout faire et se lie avec la voyante Zeena et son mari alcoolique, Pete. Ce dernier lui enseigne l'art de la fausse télépathie et du mentalisme. C’est aussi là qu’il rencontre Molly avec laquelle il va échafauder des rêves d’ailleurs et de gloire."
 
Une ouverture qui m’a fait penser au tableau "Les raboteurs de parquet" de Caillebotte. (mon imaginaire s'amuse)
La 1ère partie nous fait voyager dans l’univers forain avec son côté creepy et mystérieux, l’exploitation de l’être humain et la manipulation. Stanton est très vite à l’aise et se fait une place parmi ces personnages originaux et attachants pour certains. Très observateur, intelligent et bourré d’idées, il apprend vite et comprend le potentiel du mentalisme.

Ses rêves de grandeur et de pouvoir le font se lancer dans le beau monde. Une 2ème partie radicalement différente dans un autre univers, plus classe, plus chic, plus riche mais aussi plus dangereux.
Quel est son but ? S’enrichir encore et encore ? Détenir un pouvoir sur le cerveau humain ? Se prendre pour un dieu ? Prendre une revanche sur le passé ? Atteindre ses limites ? Des motivations complexes qui vont l’entrainer sur un chemin glissant quand le manipulateur rencontre une vraie psychologue qui en connait plus long que lui sur le cerveau humain.

Un homme séducteur aux dents longues et au passé compliqué, une jeune femme amoureuse, une femme fatale et vénéneuse, jeux de pouvoir et d’argent, du danger et voici un très bel hommage en couleurs aux films noirs des années 40-50.
Des images magnifiques, une reconstitution grandiose, des décors fous et une ambiance sombre. J’ai passé un très bon moment de cinéma ! Un petit bémol j’aurais aimé comprendre mieux les motivations de la psy jouée par Cate Blanchett.

Placés de Nessim Chikhaoui
 
 "Parce qu’il a oublié sa carte d’identité, Elias ne peut passer le concours d’entrée à Sciences Po. À la recherche d’un job en attendant de pouvoir se présenter à nouveau, il devient éducateur dans une Maison d’Enfants à Caractère Social."


Le réalisateur rend avant tout hommage au métier d’éducateur qu’il a exercé 10 ans. A travers Elias qui découvre ce métier difficile, mal payé mais si enrichissant, métier prenant qui affecte la vie perso et qui transforme durablement. Ne pas craquer alors qu’il y aurait mille raisons, les enfants, l’administration, les budgets qui ne cessent de baisser.
Un métier d’émotions fortes pour lequel ça passe ou ça casse, il faut aussi accepter l'échec, on ne peut pas sauver tous les enfants mais il faut croire en eux, toujours.

Le cash et le naturel des placé.es, le ton qui monte si facilement, cumul de l’adolescence et le fait d’être en foyer. Tester les limites des adultes, prendre les choses à la rigolade pour éviter de trop réfléchir à sa situation. Des gamins fracassés par la vie mais attachants et lucides. 
Dur de faire confiance et d’avoir foi en l’avenir d’où l’importance des éducs qui s'investissent à 1000%. Pourtant il faut accepter l’échec et essayer de ne pas privilégier un cas particulier car ils le sont tous.
Une grande famille qui rit, qui pleure, qui hurle, qui partage les bons et les mauvais moments, où chacun apprend de l'autre.

Un premier film touchant et drôle pas parfait mais la sincérité est là, servie par un casting excellent du plus grand (Shaïn Boumedine 😍) au plus petit rôle. Les adultes et les enfants sont formidables. On les aime !

[J’ai pensé au combat de @lyeslfk sur le sujet en général et en particulier sur ce qui arrive à la majorité.
Ce chiffre terrible, 25% des SDF sont des anciens de l’ASE. Selon moi, il n’y a jamais assez de films ni de reportages pour parler de ces sujets aide sociale à l’enfance. Ici le film montre du positif et de l'humain mais tous les éducs ne sont pas ainsi sans parler de certaines familles d'accueil et foyers déplorables]

Vitalina Varela de Pedro Costa
 
"Vitalina Varela fut toute sa vie une paysanne des montagnes de l’ile de Santiago, au Cap-Vert. Elle épouse son premier amour, Joaquim, un garçon de son village, Figueira das Naus. Comme la majorité des hommes du Cap-Vert, Joaquim part à l’étranger en 1977, avec une promesse de travail comme maçon. Vitalina reste à l’attendre, rêvant à une vie plus heureuse. Elle attend son billet d’avion pendant plus de 25 ans. Quand elle arrive à Lisbonne, trois jours après les obsèques de son mari, elle n’a plus qu’à gérer les affaires de son mari défunt. Un matin on frappe à sa porte : elle pense que c’est la police ou le service de l’immigration. C’est Pedro Costa qui cherchait une maison dans le quartier pour une scène de son film Cavalo Dinheiro. Ceci est l’histoire de Vitalina, ceci est son film, ceci est sa revanche personnelle, dont il se fait le porte-voix."
 

Un ovni pas conventionnel d’une beauté plastique hallucinante. Des images incroyables, des tableaux vivants sublimes, une photo de grande qualité et des cadrages magnifiques, je trouve que l’écran du MK2 Beaubourg était trop petit pour vraiment en profiter, on perd en intensité.
Ce film est très peu joué dans des salles petites ou moyennes, forcément pas du tout grand public mais c’est dommage.

Après je ne sais pas vraiment dire comment j'ai aimé ce film, en tout cas il m’a marquée. C’est plus une expérience sensorielle étrange et mystérieuse. Un portrait de femme surprenant et fort.
Le film se passe quasi tout le temps dans la nuit, l’obscurité et se termine dans le jour, dans des images du passé qui étaient l’espoir. On entend toujours des bruits de fond de vie, de voisins mais on ne les voit jamais.
On écoute Vitalina durant ses longs monologues, raconter sa vie, faire des reproches à son mari, parler avec un prêtre ou des amis de son mari. Comme si elle recréait un dialogue rompu. Beaucoup de métaphores, construction, reconstruction, destruction de foyer…

Adieu Monsieur Haffmann de Fred Cavayé
 
"Paris 1941. François Mercier est un homme ordinaire qui n’aspire qu’à fonder une famille avec la femme qu’il aime, Blanche. Il est aussi l’employé d’un joaillier talentueux, M. Haffmann. Mais face à l’occupation allemande, les deux hommes n’auront d’autre choix que de conclure un accord dont les conséquences, au fil des mois, bouleverseront le destin des trois personnages."
 
Je vais être moins prolixe que d’habitude ou souvent je n’ai pas assez des 2200 caractères pour dire tout ce que je voudrais.
Pour moi il n’y a rien qui a fonctionné dans ce film, hormis l’interprétation du trio, surtout Sara Giraudeau et Gilles Lellouche, épatants chacun dans leur registre.
 
Une histoire glauque dans l’histoire déjà bien dure, trop d’incohérences et de fausses surprises tellement attendues.
La démonstration des situations qui s’inversent n’a pas marché pour moi.
La mise en scène trop classique et théâtrale (on sent l’adaptation d’une pièce) et le côté reconstitution trop léchée n’ont pas aidé.
Dommage parce que sur le sujet de la transformation d’un homme "normal", qui souffre d’un gros complexe d’infériorité, en salaud, il y avait un beau sujet.
Je me disais aussi que ça aurait pu se passer ailleurs et dans une autre époque, le contexte n’est pas si important dans cette histoire.

The Chef de Philip Barantini
 
"Magic Friday : le vendredi avant Noël, la soirée la plus fréquentée de l’année. Dans un restaurant gastronomique de Londres, côté cuisine, à quelques minutes du coup de feu, tout le personnel est en ébullition. Mais les problèmes s’accumulent autour du chef étoilé Andy Jones et de sa brigade. S’ajoute à cela la pression constante d’une clientèle toujours plus exigeante qui menace de mener le restaurant à sa perte…"
 
Je suis toujours curieuse de voir un film tourné en plan séquence et ce procédé est carrément adapté au milieu de la restauration au moment du coup de feu. On découvre tout l’univers du restaurant : cuisine, métiers, contrôle hygiène, rapports hiérarchiques… Il faut être partout en même temps, opérer un savant mélange entre le service en salle et la cuisine dans une belle synchro, satisfaire les égos et désirs des clients même quand ils ont tort où se comportent mal.
Ici la vie privée du chef menace un équilibre déjà instable. Il n’a pas géré en amont et arrive encore moins à gérer sur place. Personnage assez antipathique pour moi qui n’arrive pas à s’imposer vraiment ni à gérer ses problèmes. La conciliation vie privée vie pro très complexe dans un métier à horaires décalés et pression permanente. Sans compter que la manageuse est à la ramasse. La moindre erreur de concentration peut être dangereuse. Un métier qui ne laisse pas de place à la faiblesse c’est clair.
Bizarrement je n’ai pas trouvé que c’était speed, la caméra n’arrive pas à montrer le côté coup de feu justement, je m’attendais à autre chose. Ça manque de rythme et ce qui arrive n’est pas surprenant, on s’y attend. C’est le portrait d’un chef qui a vrillé mais je n’ai pas trop vu où le film voulait en venir.
Déception au final.

Ouistreham d’Emmanuel Carrère
 
"Marianne Winckler, écrivaine reconnue, entreprend un livre sur le travail précaire. Elle s’installe près de Caen et, sans révéler son identité, rejoint une équipe de femmes de ménage. Confrontée à la fragilité économique et à l’invisibilité sociale, elle découvre aussi l’entraide et la solidarité qui unissent ces travailleuses de l’ombre."
 
Je n’ai pas lu ce roman de Florence Aubenas (réservé à la bibli du coup), je ne sais donc à quel point le cinéaste a emprunté ou non à l’auteure.
J’ai aimé ce film fort, plein d'humanité, le genre de film qui t’aide à appréhender le monde qui t’entoure.
C’est une incursion dans la misère humaine que tellement de gens ne veulent pas voir, des portraits de femme en majorité, considérées comme des moins que rien et pour qui le respect est parfois une option quand un patron leur parle. La violence et la difficulté physique du métier, les cadences infernales liées au nettoyage des cabines de ferry, les douleurs dans les corps même si le film passe un peu vite sur ces aspects pour s’attarder sur les relations humaines.
Marianne et moi (ou nous) avec, sommes touchées par la gentillesse et la solidarité de ceux qui n’ont rien, par les marques d’attention, par la simplicité, par ces rêves de gain au loto si modestes.
Sa démarche est critiquable mais nécessaire car c’est une vraie infiltration comme dans la police, avec des résultats. Une démarche sincère pourtant vouée à blesser on le sait d’avance. Avec l’illusion d’avoir créé des amitiés basées sur des mensonges parce qu’à la fin, c’est chacun son monde…

Marianne s’interroge sans cesse sur sa position d’usurpatrice sans jamais envisager de stopper son enquête. A chacun.e de juger ou pas…
Marianne est en mode temporaire dans cette vie où les protagonistes vivent en mode temporaire de façon permanente. Est-ce qu’elles tiennent le coup parce qu’elles savent que c’est temporaire ou parce qu’elles n’ont pas le choix ?
La seule vraie comédienne du film Juliette Binoche est aussi géniale que ces acolytes qui n’en sont pas. Une vraie bande à laquelle on croit. Avec mention de ma part pour Léa  Carne (Marilou) qui est faite pour le cinéma !

 

Nos âmes d’enfants de Mike Mills
 
"Journaliste radio, Johnny interroge des jeunes à travers le pays sur leur vision du futur. Une crise familiale vient soudain bouleverser sa vie : sa sœur, dont il n’est pas très proche, lui demande de s’occuper de son fils, Jesse. Johnny accepte de le faire mais n’a aucune expérience de l'éducation d'un enfant..."

De très belles images urbaines en noir et blanc des villes traversées : Détroit, Los Angeles, New York, New Orleans.
Un beau tour des États-Unis pour récolter des paroles d'enfants. Comme souvent quand on écoute ce qu'ils ont à dire c'est intéressant et censé.
Pendant ce temps, tout en écoutant des enfants, Johnny apprend à s'occuper d'un enfant, Jesse son neveu qu'il connaît à peine et fait entrer quelque chose de nouveau dans sa vie.
Un dialogue à distance avec sa sœur s'instaure durant le voyage. Elle se débat avec les soucis liés à la bipolarité de son mari pendant que se crée une belle relation oncle neveu. Prémices au rapprochement entre frère et soeur.
Johnny redécouvre sa soeur à travers son fils.
Un film intimiste, touchant et tendre qui se laisse apprécier sans précipitation, tout en douceur.
On se laisse agréablement bercer par la douce voix de Joaquin Phoenix.

Memory box de Joana Hadjithomas, Khalil Joreige
 
"Le jour de Noël, Maia reçoit un mystérieux colis en provenance de Beyrouth. Des cahiers, des cassettes et des photos qu'elle a envoyé, de 13 à 18 ans, de Beyrouth à sa meilleure amie partie à Paris pour fuir la guerre civile. Maia refuse d’affronter ce passé mais Alex sa fille s’y plonge en cachette. Elle y découvre l’adolescence tumultueuse et passionnée de sa mère dans les années 80 et des secrets bien gardés…"
 
Ils étaient comment nos parents à l’adolescence ? Vraiment ? Ont-ils été rebelles, fous, amoureux fous ? Quels étaient leurs secrets ?
Alex a l’occasion de le savoir quand le passé de sa mère ressurgit 30 ans plus tard.
L'occasion pour elle de découvrir le Liban et ses racines.

Il y a deux films en un et celui sur le passé est le plus réussi. Une créativité incroyable pour rendre compte de l’adolescence de Maia et ses ami.es entre les sorties, les amours et surtout la guerre qui pourrit tout. Mais aussi la fuite, le déracinement et l’oubli.
J’ai été amusée, émerveillée, admirative devant les créations graphiques et photographiques du duo Joana Hadjithomas/Khalil Joreige. C’est fou toutes les inventions, les idées originales pour raconter les moments de vie de Maia et sa bande. On feuillette des albums et des carnets qui s’animent pour recréer un passé et une ville, c’est plus que du cinéma. Je reverrai le film avec plaisir juste pour ces idées magiques.
Tandis qu’Alex se rapproche de sa mère et la découvre sous un autre jour, celle-ci tente de faire la paix avec son passé.
Malgré un manque de naturel dans les relations mère fille (on ne sent pas grand-chose entre les deux) j’ai bien aimé ce film qui m’a fait faire un voyage dans mes années 80, la jeunesse libanaise du film avait exactement les mêmes goûts musicaux et cinés que moi. Je me suis tellement identifiée c’était émouvant. Tout comme il est émouvant à la fin de se balader dans Beyrouth avant la terrible explosion de 2020.

La place d’une autre de Aurélia Georges
 
"Nélie a échappé à une existence misérable en devenant infirmière auxiliaire sur le front en 1914. Un jour, elle prend l’identité de Rose, une jeune femme qu’elle a vue mourir sous ses yeux, et promise à un meilleur avenir. Nélie se présente à sa place chez une riche veuve, Eléonore, dont elle devient la lectrice. Le mensonge fonctionne au-delà de ses espérances."
 
Je vais en dire très peu sur l’histoire, comme souvent je suis allée voir le film sans avoir vu la bande-annonce ne sachant pas de quoi il en retournait vraiment et tant mieux, je suis surprise et jamais spoilée. C’est l’affiche qui m’a décidée et le casting.
La survie est une lutte permanente pour ces filles seules sans personne pour les aider, dans une société où la place des femmes est compliquée et encore plus quand on n’est pas dans la bonne classe sociale. Une opportunité séduisante s’offre à elle. Une nouvelle vie à laquelle elle prend plaisir et s’habitue, j’étais contente pour elle, enfin du repos et de la sérénité.

Elle découvre un nouveau monde mais aussi tout ce qui gravite autour : les domestiques et la façon dont on les traite, les soirées mondaines…
C’est une fille courageuse et bonne qui décide ne plus se faire dicter sa vie, de ne plus subir quitte à se perdre en route ?
Jusqu’où peut-elle aller malgré sa conscience qui la travaille ? Peu importe la situation, je continuais à la trouver bien, à l’aimer cette Nélie qui prend la place d’une autre pour prétendre à la place qui lui revient, pour prétendre à une justice sociale.

Je me suis trouvée face à un vrai dilemme et je me suis rangée de son côté tout en sachant que ce n’était pas très « catholique » en me trouvant un peu horrible. Lyna Khoudri (c’est décidément son année !) forme un touchant et beau duo avec Sabine Azéma, une relation maternelle et amicale, une solidarité féminine malgré les différences, une ouverture d’esprit pour chacune d’elle. J’ai beaucoup aimé ce film, son propos, les actrices et l’amour qui ressort de cette histoire (désolée Rose…)

Les promesses de Thomas Kruithof
 
"Maire d’une ville du 93, Clémence livre avec Yazid, son dir cab, une bataille acharnée pour sauver les Bernardins, une cité minée par l’insalubrité et les "marchands de sommeil". Ce sera son dernier combat, avant de passer la main à la prochaine élection. Mais quand elle est approchée pour devenir ministre, son ambition remet en cause tous ses plans. Peut-elle abandonner sa ville, ses proches, et renoncer à ses promesses ?"
 
La vie d’une mairie d’une ville de banlieue du 93 : réunions de quartier, campagne municipale, logement, marchés publics, arrangements avec les partis et l'impuissance parfois … Le vrai travail de proximité est bien rendu, réaliste.

Pour sauver la cité il faut des subventions de l’Etat et le film nous entraine dans les tractations, les compromis, les batailles pour convaincre et se faire financer. Il ne faut jamais lâcher.
Parallèlement Clémence (Isabelle Huppert parfaite comme toujours) est approchée pour être ministre. On m’a toujours dit que c’était dur de refuser et je trouve que le film a réussi à rendre le sentiment qu’un.e possible ministre ressent. Même si ça fait peur ça touche à l’égo, ça suscite quelque chose de fort. Un possible qui va changer la vision de Clémence sur elle-même.
Un film qui raconte aussi les limites, jusqu’où on supporte la misère, l’irrespect, la violence dans sa vie quotidienne qu’on soit citoyen ou élu, qui montre les politiciens manipulateurs et menteurs (mais les marchands de sommeil sont pires).
Le personnage de Yazid (Reda Kateb toujours juste) est très intéressant, originaire de la cité il doit composer avec la solidarité entre potes de cité qu’on attend de lui et la condescendance de certains. Un homme de conviction qui fait ce métier parce qu’il y croit, un homme d’engagement qui admire Clémence pour ses combats et qui mène les siens.

C’est l’humanité et le travail de proximité qui sont payants.
S’engager pour quelque chose que l’on pense possible, s’engager pour améliorer la vie des gens qui font confiance en votant, c’est ce qui doit motiver la politique. Un film politique, avec un soupçon de thriller, qui tient en haleine. J'ai aimé du début à la fin.

Un monde de Laura Wandel
 
"Nora entre en primaire lorsqu’elle est confrontée au harcèlement dont son grand frère Abel est victime. Tiraillée entre son père qui l’incite à réagir, son besoin de s’intégrer et son frère qui lui demande de garder le silence, Nora se trouve prise dans un terrible conflit de loyauté. Une plongée immersive, à hauteur d’enfant, dans le monde de l’école."
 
Nora arrive à la grande école, un monde nouveau, hostile, bruyant dont il faut comprendre et accepter les codes.
La mise en scène nous montre tout de son point de vue comme si la caméra était fixée sur sa tête ou dans ses yeux. Les adultes sont flous ou peu présents en second plan. Du reste on ne saura rien, le film est concentré sur l’école et les enfants. Pas de contexte familial ou à peine.
Elle s’épanouit petit à petit tandis que son frère se fait harceler sans que personne ne remarque rien ou ne veuille rien remarquer. Mais elle devient une victime collatérale en tant que sœur du paria et détentrice d’un secret trop lourd à porter.
La violence du harcèlement et ses conséquences sur les autres, son mécanisme décortiqué d’une manière glaçante.
Des scènes très dures et tout ça dans une cour d’école en plein air où on a envie de hurler sur son fauteuil de spectateur. Pourquoi ça arrive ? Les adultes s’en fichent, minimisent ? Manque de personnel ou personnel pas formé ? Politique d’évitement des conflits ? Mauvaise éducation ?

La cruauté des enfants entre eux, ça m’a rappelé les histoires tordues des copines de ma fille en primaire, à cet âge ce n’est pas aussi mignon qu’on le pense.
Une chronique de harcèlement ordinaire à hauteur d’enfant, dure et sans concessions. Finalement on peut se dire que ça correspond à une réalité dans laquelle les adultes sont largués et c’est encore plus terrible. Ce que montre bien la mise en scène dans laquelle les adultes ne sont justement pas à la hauteur.
Un film quasi documentaire sur un sujet de société qui continue à faire la une des faits divers. Les enfants sont incroyables, d’une puissance de jeu naturelle et bouleversante.

Une jeune fille qui va bien de Sandrine Kiberlain

"Irène, jeune fille juive, vit l’élan de ses 19 ans à Paris, l’été 1942. Sa famille la regarde découvrir le monde, ses amitiés, son nouvel amour, sa passion du théâtre… Irène veut devenir actrice et ses journées s’enchaînent dans l’insouciance de sa jeunesse."
 
J’ai eu du mal avec le parti pris de départ, une famille qui n’échange pas autour de l’actualité, peu de paroles et trop de modernité rapport aux années 40, le contexte historique affreux relégué à l’arrière-plan et minimisé… ça pourrait presque être une uchronie.
Les scènes au théâtre trop importantes même si forcément, la film est centré sur la passion dévorante d’Irène. Même sa vie est mise en scène de façon théâtrale, elle joue tout le temps et le procédé m’a parfois agacée, sa façon de parler ou plutôt de ne pas parler, ses mimiques… tout ça a fait que j’ai vraiment mis du temps à m’imprégner du film et du propos.
Paris sous l’Occupation abordée de façon distante pour rester centré sur Irène qui n’est ni aveugle ni stupide mais qui cherche à vivre sa vie de jeune femme au jour le jour, prenant tout ce qui est bon à prendre. Vivre ce qu’elle doit vivre peu importe le contexte.
Une vie de possibles malgré tout… tout est dans le titre.
Rebecca Marder et son sourire resplendissant illuminent l’écran sans cesse. Comme une lueur d’espoir dans cette période trouble dans laquelle il y eu des moments heureux aussi fugaces qu’ils soient. Une fin abrupte vient rappeler la réalité, la vraie…
Un avis mitigé mais j’ai apprécié le film et surtout son actrice principale.

Rédigé par Carole Nipette

Publié dans #Avis cinéma-Revue de films

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article