Dallas Buyers Club, Tonnerre, Un beau dimanche, Jacky au Royaume des filles / Revue de films
Publié le 14 Février 2014
Dallas Buyers Club de Jean-Marc Vallée
"1986, Dallas, Texas, une histoire vraie. Ron Woodroof a 35 ans, des bottes, un Stetson, c’est un cow-boy, un vrai. Sa vie : sexe, drogue et rodéo. Tout bascule quand, diagnostiqué séropositif, il lui reste 30 jours à vivre. Révolté par l’impuissance du corps médical, il recourt à des traitements alternatifs non officiels. Au fil du temps, il rassemble d’autres malades en quête de guérison : le Dallas Buyers Club est né. Mais son succès gêne, Ron doit s’engager dans une bataille contre les laboratoires et les autorités fédérales. C’est son combat pour une nouvelle cause… et pour sa propre vie."
Même si je connais un peu l'histoire des débuts du sida dans les années 80 et que j'ai entendu parler du scandale de l'AZT, je ne savais pas que Ron Woodroof avait été un militant engagé contre l'industrie pharmaceutique et que son acharnement contre la toute puissante Food Drug Admnistration avait payé. Jean-Marc Vallée nous raconte une histoire vraie qui a compté dans le traitement du sida.
Dans le première partie du film, Ron Woodroof découvre sa maladie dans un Texas ultra macho. Le sida ce n'est que pour les homosexuels et la première phase par laquelle il va passer est celle du déni absolu. Les autres ne sont pas tendres avec un séropositif et l'homophobie va bon train. Ron lui même va subir les insultes et les bassesses, ce qu'il faisait probablement subir aux autres avant. Puis après la phase d'acceptation, il entre dans le processus de survie.
Après sa rencontre avec Rayon, séropositif, homo et travesti, il commence par delaer de l'AZT, le seul traitement disponible contre le sida. On en est au stade des traitements expérimentaux, les médecins tatonnent et naviguent à vue.
Mais Ron ne se satisfait pas de cette situation, il rencontre d'autres médecins d'un circuit parallèlle, s'intéresse à sa santé de plus et on voit l'émergence du discours sur la nourriture saine, pas de drogues, pas d'alcool, l'importance d'avoir une vie équilibrée pour lutter contre le sida. Un discours contradictoire avec le discours médical ambiant qui ne donne aux malades du sida qu'une faible espérance de vie.
Il fallait être sacrément fou ou visionnaire pour se lancer dans un business d'abonnements à un traitement médical. On peut dire qu'il est le premier à avoir eu l'idée de faire une "box" mensuelle ! Ron Woodroof vendait des médicaments et des vitamines, mais plus que ça, il vendait de l'espoir et ça a cartonné. En même temps ça restait un business dont on voit la dureté dans le film, Ron n'est pas un enfant de choeur.
Tout le monde a parlé des performances de Matthew Mc Conaughey et Jared Leto à juste titre. Ils sont formidables de justesse et n'en font pas trop. Ils "sont" tellement leurs personnages. Leurs histoires sont dramatiques mais il y a pas mal d'humour dans le film et les deux protagonistes y sont pour beaucoup.
Dallas Buyers Club est l'histoire d'une lutte pour la survie, une lutte pour avoir droit aux bons soins, une lutte contre un monopole, contre un establishment, une lutte pour l'humanité finalement... Une lutte qui aura permis à Ron de vivre 2557 jours au lieu de 30 et qui aura aidé au traitement du sida. Du très bon cinéma avec un intérêt historique évident.
Tonnerre de Guillaume Brac
"Un rocker trop sentimental, une jeune femme indécise, un vieux père fantasque. Dans la petite ville de Tonnerre, les joies de l’amour ne durent qu’un temps. Une disparition aussi soudaine qu’inexpliquée et voici que la passion cède place à l’obsession."
J'étais contente de retrouver Vincent Macaigne que j'avais adoré dans "2 Automnes 3 Hivers". Encore une fois il est juste et attachant mais trop sur le même registre finalement.
Immersion dans le quotidien d'une petite ville de l'Yonne, Tonnerre, une ville où l'on ne court pas, où le temps semble s'être arrêté. J'ai lu partout des histoires de paysages magnifiés, j'ai trouvé toute cette neige et cette grisaille tellement déprimantes.
Le film parle d'amour avec un vague discours introspectif sur la célébrité et la création, sur la fidélité mais ça ne va jamais loin, dommage.
J'ai eu du mal à comprendre cette histoire d'amour qui vire à l'obession. Tous les protagonistes semblent paumés, c'est vraiment la confusion des sentiments. Je n'ai pas suivi ce Maxime, trop émotionnellement immature, dans son délire amoureux. J'avais envie de lui dire "Mais arrête, qu'est ce tu fous bon sang ?" La deuxième partie du film qui vire au polar est suprenante et pas aboutie.
Bizarrement j'ai plutôt aimé le film mais en sortant j'ai eu le vague sentiment d'avoir perdu mon temps. J'ai attendu quelque chose qui n'est pas venu, un souffle qui s'est perdu en route et au final ce Tonnerre est vain et ne m'a rien apporté...
Un beau dimanche de Nicole Garcia
"Baptiste est un solitaire. Instituteur dans le sud de la France, il ne reste jamais plus d’un trimestre dans le même poste. A la veille d’un week-end, il hérite malgré lui de Mathias, un de ses élèves, oublié à la sortie de l’école par un père négligent. Mathias emmène Baptiste jusqu’à sa mère, Sandra. C’est une belle femme, qui après pas mal d’aventures, travaille sur une plage près de Montpellier. En une journée un charme opère entre eux trois, comme l’ébauche d’une famille pour ceux qui n’en ont pas. Ça ne dure pas. Sandra doit de l’argent, on la menace, elle doit se résoudre à un nouveau départ, une nouvelle fuite. Pour aider Sandra, Baptiste va devoir revenir aux origines de sa vie, à ce qu’il y a en lui de plus douloureux, de plus secret."
C'est beau une mère qui filme son enfant ! Je suis tombée sous le charme de Pierre Rochefort aussi bon comédien que beau et on sent que la caméra l'aime. Quand à Louise Bourgoin je l'aime aussi et elle ajoute une nuance de plus à son jeu, tout en finesse, de comédienne dans un registre dramatique.
Au début du film, l'instituteur fait irruption dans la vie d'un de ses élèves, le genre de choses que les profs font rarement. Que savent-ils vraiment des vies des enfants quand ils voient à peine les parents ? Baptiste se rend compte que ce n'est pas facile pour Mathias et il décide de l'aider sans réfléchir pas forcément convaincu mais il le fait quand même. Ce n'est que lorsqu'il rencontre Sandra la mère qu'on le sent plus impliqué. C'est la rencontre de deux âmes perdues et cabossées. Pour elle, il va revoir sa famille et régler ses comptes avec ceux qui lui ont fait du mal, ceux qui ne l'ont pas accepté comme il était, ceux qui l'ont traité comme une brebis galeuse.
Une famille bourgeoise bien comme il faut dans laquelle Sandra dénote mais c'est auprès d'elle qu'il trouve la compréhension dont l'ont privée ceux qui étaient censés l'aimer. Lui qui ne rentrait pas dans le rang il se range avec Sandra et son fils.
J'ai été trés émue par le couple formé de Baptiste et Sandra, Un beau dimanche est finalement une très belle comédie dramatique romantique.
Jacky au Royaume des Filles de Riad Sattouf
"En république démocratique et populaire de Bubunne, les femmes ont le pouvoir, commandent et font la guerre, et les hommes portent le voile et s’occupent de leur foyer. Parmi eux, Jacky, un garçon de vingt ans, a le même fantasme inaccessible que tous les célibataires de son pays : épouser la Colonelle, fille de la dictatrice, et avoir plein de petites filles avec elle. Mais quand la Générale décide enfin d’organiser un grand bal pour trouver un mari à sa fille, les choses empirent pour Jacky : maltraité par sa belle-famille, il voit son rêve peu à peu lui échapper..."
J'étais très curieuse de voir le nouveau film de Riad Sattouf dont j'ai adoré Les Beaux Gosses.
Je dis qu'il en faut des couilles pour faire et sortir un film pareil dans notre époque perturbée. Dommage le film ne marche pas et clairement il ne peut pas plaire aux esprits obtus et enfermés dans quelque dogme que ce soit. L'effet miroir ferait mal...
En attendant j'ai passé un très bon moment avec un casting de dingue. Même des rôles de trois minutes nous offrent de belles surprises. Riad Sattouf a inventé un univers et un vocabulaire bien pensé. C'est un festival de nouveaux mots !
On se retrouve au pays de Bubunne, où le peuple habite dans un genre de kolkhoze mixé avec un stalag mixé avec un pays intégriste et une dictature militaire. Les habitants sont "nourris au grain" avec une bouillie qui arrive directement dans les cuisines et qu'ils avalent chaque jour sans poser de questions. Un parallèle avec la bouillie que nous déversent les médias ?
J'y ai vu un pamphlet contre tous les intégrismes, contre les traitemens infligés aux femmes et aux enfants dans certaines sociétés et contre la connerie aussi. Que tout soit traité par l'humour et la dérision fait que le ressenti est plus fort. Ce qui pourrait passer pour une vaste farce est en fait une dénonciation très intelligente. La prise de conscience est plus terrible même si l'on rit.
Vincent Lacoste est décidément parfait et son côté androgyne fait un malheur quand il se retrouve déguisé en fille.