Elle aurait eu 91 ans...
Publié le 22 Novembre 2011
Elle m'a emmenée voir La Boum à Paris quand j'avais 13 ans. A l'époque il y avait le cinéma permanent, on entrait et on sortait comme on voulait. Elle était toujours pressée, on arrivait pour les 10 mn de la fin et on repartait 10 mn avant la fin. A moi de faire le collage dans ma tête. Les vacances à Paris c'était le nirvana mais on allait vite. Elle me faisait marcher encore et encore, aujourd'hui j'aime ça mais à 10 ou 14 ans ans quelle plaie ! Elle nous trainait mon frère et moi chez ses fabricants de manteaux dans le Sentier. Découvrir les ateliers, les mètres de tissu, une activité insolite, on regardait partout avec nos yeux avides de connaissances.
Comme elle était toujours pressée, on arrivait 1/2 heure en avance à la gare quand c'était pas une heure ! Sacrée mamie, j'en pestais intérieurement, je le disais mais la fois d'après c'était pareil.
Elle avait un ami qui avait un magasin de meubles, à l'ancienne, immense hangar avec des milliers de lits, canapés, armoires... Un terrain de jeu extraordinaire pour des enfants de 7 et 8 ans ! On lui disait "Mamie, tu vas boire le café avec ton copain? Elle répondait oui et on hurlait de joie. En fait elle connaissait tellement de commerçants à Strasbourg, même le magasin de cravates c'était rigolo.
Elle m'a appris à jouer au rami et à toutes ses variantes. A 14 ans, je dépouillais ses amis lors de parties interminables pour lesquelles on jouait quelques francs. Tous les jours après le déjeuner, on s'installait sur la terrasse à Cannes, j'adorais jouer aux cartes. J'adore toujours mais je n'ai personne avec qui jouer, j'apprendrai à Nina plus tard...
Elle faisait bien la cuisine et disais toujours "Allez finis, il ne reste pas grand-chose". J'ai gardé sa recette du poulet rôti patates fondues et des poireaux vinaigrette. A chaque fois qu'on en mange, je pense à elle. Son struddle était mortel, ses matse gebra aussi mais je n'ai pas eu le temps de tout apprendre avant qu'elle s'en aille.
Elle nous emmenait souvent manger au Mess des Officiers de Strasbourg quand on passait les vacances chez elle. Quel endroit, on était des petits rois là-bas. On passait du temps dans son magasin. Ce que j'adorais par dessus tout, aller dans l'arrière boutique pour voir la couturière qui me faisait des vêtements pour ma poupée avec les chutes de tissus. Qu'elle était belle et unique la garde-robe de ma poupée.
Elle avait la peau douce, que j'aimais lui caresser les bras le soir devant la télé. Elle avait toujours un cadeau pour moi et me gardait tous les "bijoux" gagnés avec les commandes dans les catalogues de VPC.
Elle avait un sourire magnifique même à la fin quand ses forces la quittaient. Elle a toujours été là pour moi, une vraie mère comme on dit. Elle était belle.
Elle, c'était ma grand-mère Suzanne, une femme extrordinaire, la grand-mère dont tous les enfants rêvent, la femme de mon héros de grand-père... Onze ans qu'elle est partie emportée par un crabe et qu'elle me manque, elle était née le 22 novembre 1920, elle aurait eu 91 ans aujourd'hui... Elle aurait tant voulu me voir en maman mais je suis sûre qu'elle me regarde d'où qu'elle soit... Elle continue de m'accompagner depuis toujours...