Lectures et challenge / Novembre 2023

L'enragé de Sorj Chalandon

« En 1977, alors que je travaillais à Libération, j’ai lu que le Centre d’éducation surveillée de Belle-Île-en-Mer allait être fermé. Ce mot désignait en fait une colonie pénitentiaire pour mineurs. Entre ses hauts murs, où avaient d’abord été détenus des Communards, ont été « rééduqués » à partir de 1880 les petits voyous des villes, les brigands des campagnes mais aussi des cancres turbulents, des gamins abandonnés et des orphelins. Les plus jeunes avaient 12 ans.
Le soir du 27 août 1934, cinquante-six gamins se sont révoltés et ont fait le mur. Tandis que les fuyards étaient cernés par la mer, les gendarmes offraient une pièce de vingt francs pour chaque enfant capturé. Alors, les braves gens se sont mis en chasse et ont traqué les fugitifs dans les villages, sur les plages, dans les grottes. Tous ont été capturés. Tous ? Non : aux premières lueurs de l’aube, un évadé manquait à l’appel.
Je me suis glissé dans sa peau et c’est son histoire que je raconte. Celle d’un enfant battu qui me ressemble. La métamorphose d’un fauve né sans amour, d’un enragé, obligé de desserrer les poings pour saisir les mains tendues. » S.C.

Un roman coup de poing qui m'a énormément touchée et bouleversée. Forcément ça parle d'enfants maltraités, traités comme de la merde, ignorés, brutalisés, niés au plus profond d'eux-mêmes. Un Etat qui au lieu de soigner et guérir, punit et juge sans comprendre. Des gamins qui font n'importe quoi pour survivre, se font du mal entre eux dans cette "colonie" pénitentiaire pire qu'un bagne pour meurtriers.

Une première partie vraiment dure avec des moments insoutenables qui m'ont arrachée beaucoup de larmes. Une deuxième partie concentrée sur une rédemption qu'on pense parfois impossible. Un jeune homme qui devient un adulte et qui apprend à faire confiance, qui apprend à éprouver des sentiments... J'ai fini en larmes...

L'amour de François Bégaudeau

J'ai voulu raconter l'amour tel qu'il est vécu la plupart du temps par la plupart des gens : sans crise ni événement. Au gré de la vie qui passe, des printemps qui reviennent et repartent. Dans la mélancolie des choses. Il est nulle part et partout, il est dans le temps même. Les Moreau vont vivre cinquante ans côte à côte, en compagnie l'un de l'autre. C'est le bon mot : elle est sa compagne, il est son compagnon. Seule la mort les séparera, et encore ce n'est pas sûr. F. B.

Une histoire d'amour banale, normale qui pourrait ressembler à la vraie vie. C'est court et pourtant ça retrace une vie avec ses bons et ses mauvais moments, avec ses secrets et ses compromis et avec l'immuable amour que deux êtres peuvent se donner et partager. J'ai été émue et touchée.

L'homme dé de Luke Rhinehart

Depuis qu'il a décidé de jouer aux dés chacune de ses décisions, le Dr Rhinehart, un psychiatre new-yorkais, a transformé sa vie en un immense jeu de hasard. Très vite le « syndrome du dé » se répand. Expérimentateur en chambre, pionnier du chaos, le Dr Rhinehart a peut-être inventé sans le savoir le moyen d'en finir une fois pour toutes avec la civilisation. Mais le FBI veille…

Hallucinant et délirant, un voyage dans la pure folie ou ce qu'on imagine être la folie. C'est drôle par moment ou alors tellement ahurissant que l'on rit notamment dans les scènes patient-psy si absurdes.

Un voyage dans la psyché d'un homme insatisfait, qui s'ennuie malgré une vie idéale sur le papier. Jouer sa vie sur un coup de dés mais en permanence. J'étais épuisée de lire tout ce que Luke accomplit parfois en quelques heures. Schizophrénie ou génie ? Bousculer les conventions, ne plus avoir de freins mais prendre de plus en plus de risques avec sa santé, celle des autres et devenir un danger public...

Ce qui me sidère c'est que c'est un roman semi-autobiographique. Devenu culte, il est interdit dans plusieurs pays.

Catégorie 11 : le livre préféré d'un proche (qui me l'a offert !)

La conversion de James Baldwin

Au soir de ses quatorze ans, dans une boutique désaffectée de Harlem, au milieu des prières et des trépignements cadencés de ses frères, John Grimes traverse un moment essentiel, une nuit de révélation, entre crise spirituelle et épiphanie. Son destin est scellé d’avance selon sa famille : il sera prédicateur. Mais John veut mener sa vie comme il l’entend. Un gamin issu d’une communauté si pieuse peut-il avoir le choix ? Et, au-delà, le libre arbitre existe-t-il pour un jeune Noir en Amérique ?

Le premier roman de James Baldwin. J'ai bien aimé la description de cette famille, leurs relations compliquées, les enjeux de tous les côtés, les histoires déchirantes qui les lient et qui déterminent leurs actions. C'est prenant et l'écriture est belle. Mais tout ce qui concerne les scènes crises mystiques et les introspections avec Dieu, ça m'a ennuyée, je n'ai pas pu être dedans, ni comprendre ce qui traverse les personnages dans ces moments. Il faudrait que j'en lise d'autres qui ne parlent pas du sujet religieux.

Le ventre de l'Atlantique de Fatou Diomé

Salie vit en France. Son frère, Madické, rêve de l’y rejoindre et compte sur elle. Mais comment lui expliquer la face cachée de l’immigration, lui qui voit la France comme une terre promise où réussissent les footballeurs sénégalais, où vont se réfugier ceux qui, comme Sankèle, fuient un destin tragique ?

Dans cette petite île du Sénégal il y a une vénération pour la France notamment à travers le football. Les immigrés et les relations ambiguës avec les proches restés au pays, l'amour du foot et l'espoir qu'il représente, les traditions, la polygamie, le patriarcat...

Des récits désabusés d'immigrants, les mensonges et l'enjolivation de la réalité française. Une sœur pleine d'amour qui essaie de décourager son frère sachant la dureté de l'exil. Un fin très belle et émouvante. Un premier roman très riche que j'ai beaucoup aimé.

Catégorie 10 : un livre d'une auteure sénégalaise

Les oubliés du dimanche de Valérie Perrin

Justine, vingt et un ans, vit chez ses grands-parents avec son cousin Jules depuis la mort de leurs parents respectifs dans un accident. Justine est aide-soignante aux Hortensias, une maison de retraite, et aime par-dessus tout les personnes âgées. Notamment Hélène, centenaire, qui a toujours rêvé d'apprendre à lire. Les deux femmes se lient d’amitié, s'écoutent, se révèlent l'une à l'autre. Grâce à la résidente, Justine va peu à peu affronter les secrets de sa propre histoire. Un jour, un mystérieux « corbeau » sème le trouble dans la maison de retraite et fait une terrible révélation.

Un beau roman qui mêle les histoires de Justine aujourd'hui et Hélène hier. Justine s'est attachée à Hélène et écrit les mémoires perdues de cette centenaire qui peu à peu la perd. C'est drôle et touchant. Des destins brisés, des secrets bien enfouis qui n'en peuvent plus d'être tus et de nouveaux destins à écrire... Un très beau moment de lecture.

Catégorie 9 : un livre avec du sable sur la couverture

Psychopompe de Amélie Nothomb

" Ecrire, c'est voler." Amélie

Des souvenirs d'enfance quand Amélie et sa famille changeaient souvent de pays au gré des affectations de son père consul. Une jeune fille qui étudie et observe son environnement, qui se passionne pour les oiseaux. Le Japon, La Chine puis le Bangladesh où au milieu du livre, arrive un événement dramatique et bouleversant auquel on ne s'attend pas. Amélie a 12 ans, sa famille quitte le pays et elle devra se reconstruire, un long chemin qu'elle nous raconte avec ses mots, sa façon bien à elle de métaphoriser, de philosopher...

Un roman autobiographique qui trouve sa place dans la bibliographie de cette auteure que j'aime beaucoup.

A qui la faute de Ragnar Jonasson

Quatre amis d’enfance. Une randonnée au cœur de ce que l’Islande a de plus sauvage. Un huis-clos d’où surgissent trahisons et secrets. Réussiront-ils tous à survivre à cette nuit ?

Des amis qui n'en sont pas vraiment, c'est ce qu'ils découvrent au fur et à mesure du week-end tandis que le passé et les secrets ressurgissent. Mais grosse déception, ce qui est censé être le clou du spectacle tombe à plat et le récit en mode un chapitre égal une personne qui parle n'a pas fonctionné, sans parler des redondances. Je voulais retrouver ce que j'avais adoré avec La dernière tempête du même auteur, c'est raté.

Par une nuit écarlate de Hubert Ben Kemoun

Solal fait le mur pour rejoindre Adèle dans une soirée. Lionel, SDF, vole un couple pour avoir de quoi survivre. Alessandro, petit dealer de quartier, se rend à une fête et jette son dévolu sur une jeune fille. Arno part à la recherche d’un de ses anciens associés qui arnaque son patron. Les destins de ces personnages vont se croiser, révélant peu à peu les liens improbables qui les unissent et les motivations qui les animent… Et au cœur de cette nuit écarlate, chaque acte pourrait avoir de terribles conséquences …

Un roman jeunesse façon choral qui m'a plutôt bien tenue en haleine. On s'attache très vite à Solal et quand ça craint vraiment pour lui j'avoue, j'ai eu peur...