Mon cinéma de février

Publié le 6 Mars 2019

Mon cinéma de février

Si Beale Street pouvait parler de Barry Jenkins d'après le roman éponyme de James Baldwin

Harlem années 70. Clementine "Tish" (Kiki Layne) et Alonzo "Fonny" (Stephan James) s'aiment depuis toujours, comme une évidence. Ils aspirent à une vie simple, avoir un appartement à eux et faire des projets. Mais Fonny se retrouve en prison injustement accusé de viol. Tish et sa famille essaient de le faire sortir avec le peu de moyens dont ils disposent...
Une erreur judiciaire de plus liée à la haine de l'autre et au racisme. Fonny joue le noir de service qu'on peut accuser parce que tout le monde s'en fout. Des comme lui, il y en a des centaines qui pourrissent en prison. Barry Jenkins nous raconte ce combat mais il préfère s'attarder sur un jeune couple qui s'aime sans conditions, d'un amour pur et sincère qui ne se soucie pas des autres. Le film est construit en flashbacks sur ce qui lie Tish et Fonny et la façon dont ils s'aiment. La caméra s'attarde sur les visages, les expressions, les regards, les corps. Et on les aime autant qu'elle. J'ai été entraînée dans cette poésie amoureuse languissante et ça m'a fait parfois penser aux films de Terrence Malick que j'adore avec une voix off qui berce l'âme.
La photo est magnifique et le ton chaleureux. L'histoire est dure, révoltante mais probablement que si Beale Street pouvait parler elle raconterait l'amour plus fort que tout...

Sorry to bother you de Boots Riley

Cassius Green décroche enfin un travail dans une société de télémarketing. Il découvre qu'en utilisant sa "voix de blanc" il cartonne et devient très vite un des meilleurs vendeurs de la boîte. Un nouveau monde s'ouvre à lui...
Mais c'est quoi ce film ?!! Un ovni qui met à mal la société contemporaine et ses dérives. On peut y voir une mise en garde contre la toute puissance des entreprises comme Google ou Amazon mais aussi envers les expériences génétiques de plus en plus courantes. Le racisme ordinaire n'est pas épargné. La vision de Boots Riley est flippante mais terriblement réelle...
Cassius Green se retrouve paumé dans un univers terrifiant. Il va devoir choisir son camp...
C'est drôle et bien vu malgré quelques longueurs et redites mais c'est un premier film intéressant qui détonne par son traitement fantasque et fantastique. Un réalisateur à suivre !

Une intime conviction de Antoine Raimbault

L'affaire Viguier je ne m'en souvenais pas et en sortant du film je me suis précipitée sur le net pour me mettre à jour. Suzanne Viguier disparaît à Toulouse en février 2000. Le corps n'a jamais été retrouvé ni même aucune preuve d'un meurtre par son mari ou son amant.
Le film raconte le moment du deuxième procès en appel contre le premier suspect déjà acquitté une première fois, le mari Jacques Viguier.
C'est le ténor du barreau Eric Dupont Moretti (incarné à merveille par Olivier Gourmet) qui défend l'accusé. Nora, jurée du premier procès a acquis la conviction que Jacques est innocent. Elle se met au service de l'avocat et va l'aider à démonter l'accusation. Le personnage de Nora est l'élément fictif du film dans lequel tout le reste est réel. On assiste à un procès en appel et on se rend compte à quel point la justice peut être vraiment très compliquée.
C'est passionnant du début à la fin, on prend part à l'enquête, on est pendu aux lèvres des avocats dans le prétoire et on se fait notre intime conviction comme la Cour.
Le personnage de Nora (Marina Foïs, habitée) apporte une autre dimension au film. Elle est tellement convaincue de ce qu'elle fait qu'elle met en danger sa vie familiale et professionnelle. C'est une obsession limite pathologique. Le besoin de justice pour sauver les autres et soi même...

La favorite de Yórgos Lánthimos

A la cour de la Reine Anne d'Angleterre les jeux sont faits, se font et se défont au rythme des intrigues des proches de sa majesté. Sarah (sublime Rachel Weisz), la duchesse de Marlborough, amie d'Anne et favorite de la Reine, oeuvre en coulisses pour faire passer ses idées et celles de son camp politique. Nous sommes dans le contexte de guerres avec la France et l'Espagne. Anne (la géniale Olivia Colman que j'ai adoré dans Broadchurch) est malade, faible et probablement perturbée. Elle n'a pas d'enfants, ils sont tous morts nés ou morts très jeunes. Ses 17 lapins qu'elle adore symbolisent ses 17 enfants perdus.
Arrive Abigail (délicieuse et perfide Emma Stone), cousine de Sarah, qui va tout faire pour prendre sa place après de la reine et recouvrer son statut social perdu.
S'ensuivent des jeux de pouvoir et de séduction piquants, drôles ou tragiques. Il ne faut jamais se fier aux apparences, on a beau le répéter...
Tout est véridique historiquement, les personnages, les événements, la politique et je trouve ça dingue d'avoir réussi à faire un film aussi rock'n'roll sur le sujet ! La seule chose qui semble fictionnel c'est justement les détails de la relation entre les trois femmes et c'est là que le film est savoureux.
J'ai adoré la facon dont c'est filmé et les angles de prises de vue élargis, l'utilisation de la musique.

My beautiful boy de Felix Van Groeningen (le réal du sublime Alabama Monroe)

L'abnégation d'un père qui essaie de ne jamais juger son fils accroc au crystal meth mais de le comprendre, l'accompagner et le soutenir. Pourtant c'est dur de voir son fils qui a tant de capacités, se détruire.
Le film fait des allers retours entre présent et passé dans les relations père fils pour nous montrer leur lien et la façon dont la drogue brise ce qu'ils ont créé.
Un père qui n'abandonne jamais et qui choisit de faire confiance à son fils probablement pour ne pas le braquer... il veut rallumer une flamme mais combien de temps peut-il tenir à force d'y croire trop fort ?
Nicolas est toujours sur le fil du rasoir... il semble vivre comme un garçon de son âge, il va à la fac et pourtant il a ce truc sombre en lui...
My Beautiful boy c'est tout l'amour d'un père pour son fils...nomatterwhat et une prise de conscience qu'un parent n'est pas tout puissant et ne peut pas toujours empêcher le pire... l'argent et l'éducation ne changent rien sauf pour lui payer de bonnes rehab. Les parents aussi d'ailleurs ont besoin de soutien...
Un film bouleversant (pas étonnant avec un sujet pareil c'est vrai) et Steve Carell ne cesse de confirmer à quel point il est bon dans des rôles non comiques.
Un bémol de mon côté. J'aurais préféré que la mise en scène soit plus linéaire parfois, on perd un peu le fil avec un découpage trop haché de va-et-vient passé/présent...

Deux fils de Félix Moati

Un père et ses deux fils se retrouvent tous les trois en proie au doute. Un doute existentiel qui se fait sentir différemment selon chacun. Joseph (Benoît Poelvoorde, à qui je dois mes petites larmes du film suite à une scène bouleversante dans laquelle il parle de ses deux fils), le père ne se remet pas du décès de son frère. Il lâche son cabinet médical pour se lancer dans l'écriture.
Joachim (Vincent Lacoste toujours aussi frais!) l'aîné glande à la fac et n'arrive pas à boucler sa thèse alors qu'il était un élève brillant. Quand à Ivan (prometteur et drôle Mathieu Capella) l'ado de 14 ans, il est fou amoureux, tiraillé par ses hormones et une rébellion typique de son âge. D'autant plus que les aînés ne montrent plus l'exemple et qu'il est déçu et dégoûté par leur laisser aller.
Mais ces trois là sont liés par un amour filial et paternel à toute épreuve et leur fragilité passagère va renforcer ce sentiment.
Un premier film tendre et délicat sur la fragilité des hommes. Félix Moati que j'aime beaucoup comme comedien montre une autre facette de son talent.

Le chant du loup de Antonin Baudry

Je ne pensais pas que j'allais me faire happer à ce point par ce film ! J'ai retenu ma respiration presque tout du long comme si j'étais dans le sous-marin. C'est un film de guerre contemporain dans un monde où la situation politique est très tendue. Une guerre où les combats ne sont pas forcément spectaculaires mais dans laquelle la vie des hommes est toujours en jeu.
Ici des sous-marins de guerre dont un nucléaire doivent faire face à une menace d'attaque sur le territoire français. On suit une équipe militaire et notamment Chanteraide (François Civil qui tient le film du début à la fin) "l'oreille d'or" l'acousticien qui sait reconnaître n'importe quel son qu'il soit celui d'une machine ou d'un humain. Il doit faire face à un dilemme effroyable.
L'ambiance sonore extrêmement bien reconstituée fait partie intégrante du film.
Je ne peux pas juger de la vraisemblance des situations et quelque part ça m'est égal vu que j'étais totalement dans le film ! J'espère quand même que tout n'est pas vrai sinon c'est carrément flippant sur les histoires de nucléaire, l'erreur n'a pas le droit d'être humaine...
Le tout petit rôle féminin n'apporte pas grand chose mais permet la respiration du personnage de Chanteraide, le rôle le plus fort du film à côté duquel les autres font un peu pâle figure. Il n'empêche que j'ai passé un très très bon moment, de ceux qu'on vit au cinéma quand le suspense nous tient par le ventre.

Chroniques cinéma publiées en temps réel sur mon compte Instagram...https://www.instagram.com/nipette/?hl=fr

Rédigé par Carole Nipette

Publié dans #Avis cinéma-Revue de films

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M
Je veux voir Si Beale Street pouvait parler et My beautiful boy. Encore une revue qui donne envie!
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C
:) j'essaie de choisir des films que je veux vraiment voir parce que je sais que ça devrait me plaire... mais je n'ai pas le temps non plus de voir tous les films qui pourraient me plaire !
G
et bé joli visionnage<br /> si on attend dragon ball et capitain Marvel ^^
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C
Captain Marvel je vais attendre la vod... je ne suis pas hyper motivée...
M
J'ai vu My Beautiful Boy et j'avoue que j'ai été un peu déçu. Je m'attendais à quelque chose de plus poignant. Finalement j'ai trouvé plus poignant les épisodes de Grey's anatomy avec Betty (sans vouloir spoiler) <br /> La Favorite j'ai très envie de voir :) Et Si Beale Street aussi ;)
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C
je trouve que ça tourne un peu en rabachage les épisodes avec Betty, tout le temps pareil... mas ça y est cette partie là a eu sa conclusion ;)<br /> je m'attendais pas à ce que ce soit particulièrement poignant en fait :)
M
Le seul que j'ai vu c'est My Beautiful Boy. Mais j'ai très envie de voir La Favorite, Si Beale Street... et Sorry to bother you!
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C
:) pas mal d'envies quand même !