La vraie vie, Mille petits riens, Les Histoires de Franz / Lectures

La vraie vie de Adeline Dieudonné

Un livre que je n'ai pas réussi à lâcher dès la première page. Une écriture vive, rythmée, brute et sans chichis pour aller dans le vif du sujet....

Cette petite fille, dont on ne saura jamais le nom (je m'en suis rendue compte à la fin et j'ai cherché son prénom mais il n'y est pas !) est bien mature pour son âge. Elle a cette maturité qu'on acquiert quand la vie ne respecte pas le déroulement de l'enfance. Violences familiales, père tout puissant, accident qui traumatise son petit frère, le seul avec qui la vie est belle... Elle a peur de son père, ne respecte pas sa mère dont elle parle avec une dureté qui fait mal à lire... Alors quand Gilles ne rit plus, elle va se créer une nouvelle vie, elle va tout faire pour retrouver son petit frère, la seule personne dont elle se sent proche, la seule personne qui lui donne le courage de supporter une vie de merde...

On suit une petite fille pleine de rage et de courage, qui ne recule devant rien et surtout pas devant l'impossible. On suit une ado qui découvre son corps et qui devient une femme, on suit une fille qui se rebelle et qui se découvre de grands talents...

Une chronique sociale rythmée par de furieux espoirs d'une vie meilleure...

Mille petits riens de Jodi Picoult

Ruth est une infirmière noire accusée d'avoir tué le bébé d'un couple de suprémacistes blancs. Le bouc émissaire idéal d'un hôpital qui ne songe qu'à se dédouaner à moindres frais et moindres embêtements... Elle va être défendue par Kennedy, une avocate blanche commise d'office.

Le livre nous fait entendre les trois voix : Ruth, Kennedy et Turk, le père du bébé. Chacun va raconter ce qu'il ressent au fur et mesure de l'avancée du procès tout en donnant des indications sur son propre parcours de vie qui vont nous éclairer sur les choix des uns et des autres.

Ruth est un personnage complexe qui n'est pas toujours montrée sous son meilleur jour justement parce que tout n'est pas noir ou blanc dans la vie. Elle est noire et s'est toujours efforcée d'être invisible dans le monde de blancs dans lequel elle évolue. Elle a tout fait "selon les règles" en essayant de se fondre dans la masse. Elle habite un quartier "blanc", son brillant fils est le seul noir de son école... Mais elle est victime d'une injustice. Ce qui lui arrive va révéler ses failles et lui rendre une identité trop longtemps effacée... Elle aussi, va affronter ses préjugés...

Turk, es fou amoureux de sa femme Bettany dont le père est un caid du milieu suprémaciste. Il passe ses loisirs à bastonner des noirs, des homosexuels ou des juifs. Son personnage nous plonge dans une réalité contemporaine horrifiante et nous montre une image de l'Amérique dont la haine n'a d'égale que la bêtise. Il se fond dans la masse pour mieux répandre ses idées via internet par exemple. Il va mettre toute son énergie à la destruction de Ruth... Mais lui aussi va devoir se remettre en question et peut-être même réussir à nous surprendre...

Kennedy attend l'affaire de sa vie et celle de Ruth pourrait bien enfin lui donner le crédit qui lui manque. Kennedy ne veut pas faire de Ruth le symbole d'une discrimination liée à la couleur de sa peau car personne ne veut qu'on lui balance son racisme ordinaire en pleine face, surtout pas les jurés... Ruth est persuadée qu'elle est à la barre des accusées parce qu'elle est noire et uniquement pour ça... Les deux femmes vont s'affronter pour mieux se comprendre et apprendre à se connaître...

Quelle que soit la couleur de sa peau, impossible de ne rien ressentir en lisant ce livre et à mon avis, quand on est blanc, impossible de ne pas se questionner... Peut-être qu'en France on ne vit pas les choses de la même façon qu'aux Etats-Unis mais tout en écrivant ça, la vérité c'est que je ne suis pas noire et que je ne sais pas ce que c'est de vivre avec cette couleur de peau au quotidien, hormis les choses que je sais exister comme la difficulté à louer un appartement ou le contrôle au faciès... Je pense ne pas avoir de préjugés racistes (par contre j'avoue que j'ai plein de préjugés envers les intégristes religieux) mais ai-je vraiment été confrontée à une situation qui en ferait ressortir ? En fait, le livre montre aussi comment en voulant être "naturel" on peut blesser ou être maladroit sans s'en rendre compte...

Dans Mille Petits riens il y a le racisme, l'injustice, l'intolérance, vivre dans un monde qui ne nous comprend pas, ne pas se sentir à sa place, avoir une seconde chance, se remettre en question, trouver sa voix, l'espoir, la tolérance...

C'est une des forces de ce roman, qui reste un roman avec un début et un dénouement; nous raconter une histoire qui nous tient en haleine et nous amener à une prise de conscience difficile à éluder... Un grand roman, une claque nécessaire...

Les histoires de Franz de Martin Winckler

J'avais adoré le premier tome de cette trilogie, Abraham et fils. J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans celui ci, je n'ai pas aimé les "trucs "narratifs du début mais dès que Franz a repris la parole en majorité, j'ai retrouvé tout ce que j'avais aimé dans le premier : la belle relation père-fils, les liens familiaux recomposés, les histoires d'amitié, l'apprentissage...

Franz grandit, on le découvre adolescent complexé par son acné qui lui dévore le visage, mais toujours aussi brillant intellectuellement et captivant dès qu'il se met à prendre la parole. La mort de sa mère reste un mystère et on sent venir les réponses dans le tome 3 à paraître...

Le roman aborde aussi des thèmes chers à l'auteur, les droits des femmes, le corps des femmes en médecine, la bienveillance médicale etc... mais justement ça fait parfois trop téléphoné, ajouté à l'histoire comme pour coller à l'actualité et ça j'ai moins aimé. Les histoires de Franz reste un bon roman mais bien en deçà du premier, pour ma part. J'ai, quoiqu'il arrive, envie de lire le chapitre final de cette trilogie.