Mon cinéma de janvier / 2023

Publié le 4 Février 2023

Nostalgia de Mario Martone

Après 40 ans d'absence, Felice retourne dans sa ville natale : Naples. Il redécouvre les lieux, les codes de la ville et un passé qui le ronge.

De retour après 40 ans et un changement de vie radical, pour Felice la langue n'est plus fluide mais les sensations sont là. Il retrouve sa mère, les scènes mère fils sont bouleversantes de réalisme et de tendresse.

Comme tout le monde on se demande quel est l'objet de son retour au pays natal, il y a la mère mais pas uniquement. Felice est hanté par son passé brisé avec lequel il veut se réconcilier. Mais après 40 ans de secrets enfouis il n'est pas le bienvenue pour tout le monde.

C'est auprès du prêtre Luigi (inspiré d'une personnage réel) qu'il trouve une oreille attentive et concernée. Ce dernier s'occupe des jeunes du quartier pour leur éviter de travailler pour la mafia. Ils deviennent proches et Felice s'investit dans la paroisse. La solidarité et la tolérance y règnent. ⠀

Une scène musicale dans un beau mélange de cultures qui donne envie de se lever de son siège et danser. Felice retrouve petit à petit une place, sa place. Il faut voir son sourire lorsqu'il arpente ses rues, qu'il se sent bien à nouveau dans sa ville natale...

Mais peut-on vraiment échapper au passé dans cet endroit si chargé? Une atmosphère dramatique omniprésente car on s’attend toujours à quelque chose mais j'ai néanmoins trouvé le film joyeux (tout le monde ne sera pas d'accord avec mon ressenti...) et l'interprétation de Pierfrancsco Favino y est pour beaucoup.

Un beau film subtil et touchant.

L'envol de Pietro Marcello

Quelque part dans le Nord de la France, Juliette grandit seule avec son père, Raphaël, un soldat rescapé de la première guerre mondiale. Passionnée par le chant et la musique, la jeune fille solitaire fait un été la rencontre d’une magicienne qui lui promet que des voiles écarlates viendront un jour l’emmener loin de son village. Juliette ne cessera jamais de croire en la prophétie.

En revenant de la guerre, Raphaël doit se réinsérer dans la société et dans la vie. Les gens du village le traitent comme un pestiféré, on sent des rancœurs et non-dits, une hostilité dont on comprendra les raisons. Il élève seule sa fille que l’on va observer grandir et devenir une jeune femme intelligente et cultivée, pourtant moquée au village. ⠀

Un duo père-fille uni contre tous, qui ne peut compter que sur lui-même et quelques amis fidèles, un petit noyau dur qui veille au grain. Il y a de l’amour, de la solidarité, de la poésie, du rêve malgré une vie rude. A travers leur histoire c’est celle des changements et des évolutions de la société après la première guerre mondiale, les différences de vie flagrantes entre la campagne et la ville et comment on peut se sortir de sa condition sociale.

Un rythme doux, le film prend son temps pour nous montrer toutes les aspérités de cette vie et la façon dont Juliette s’ouvre au monde, un rythme qui s’adapte bien à celui de la vie campagnarde de l’époque. Mais pas d’ennui, au contraire. ⠀

Un petit côté "musical" bien agréable. Un film à la simplicité rafraîchissante avec de belles envolées lyriques et une photographie magnifique. Touchée et émerveillée.

Babylon de Damien Chazelle

Los Angeles des années 1920. Récit d'une ambition démesurée et d'excès les plus fous, l'ascension et la chute de différents personnages lors de la création d'Hollywood, une ère de décadence et de dépravation sans limites.

On entre direct dans une soirée de dingue chez un magnat d’Hollywood, les années folles portent bien leur nom : démesure, délires, transgressions, sexe, drogues, alcool et musique. ⠀

Nelly La Roy est une tornade (Margot Robbie démente même si son perso est celui que j’aime le moins) qui veut être une star. Elle s’incruste grâce à Manny, le jeune mexicain servile et à tout faire qu’on traite avec mépris. ⠀

Cette soirée à laquelle assiste Jack Conrad (Brad Pitt génial), l’acteur star du muet alcoolique et dans laquelle joue Sidney Palmer le musicien noir de jazz, va changer leur vie. Pour le meilleur et pour le pire ? On les suivre tous les 4.  

Dans une première partie flamboyante, le film reconstitue les plateaux de tournages hollywoodiens en extérieur et c’est grandiose. On entre dans la vie de tous ceux qui travaillent pour l’industrie du cinéma, on voit que les femmes y avaient une grande place. On assiste à la naissance d’une star et à la naissance d’une vocation. ⠀ C’est foutraque mais les films se tournent à la pelle. Puis c’est l’ère du parlant et le milieu doit s’adapter, une scène géniale en intérieur qui montre la révolution du parlant sur les méthodes de travail de toute l’industrie. ⠀

Grandeur et décadence des personnages principaux, chacun fera son choix et assumera les conséquences. Jouer le jeu, faire des compromis, se brûler les ailes…   Beaucoup de références et de clins d’œil et un grand hommage au cinéma oui mais surtout à un des films classés parmi les meilleurs "Chantons sous la pluie". Pour moi c’est mieux de l’avoir vu pour saisir les allusions (ou au moins le voir après si jamais). ⠀

La musique de Justin Hurwitz accompagne parfaitement le film. Je n’ai pas vu passer les 3h même si je ne suis pas fan de la scène violente du sous-sol que j’ai vu comme une allégorie de la descente aux enfers des personnages. J’ai adoré la fin. ⠀

Une fresque phénoménale, déjantée, impitoyable sur le cinéma et ses protagonistes, sur la fin d’un monde et du changement radical qu’il a subi. Le film est d’une grande richesse, on ne peut pas parler de toutes les scènes incroyables qui le jalonnent...

Tár de Todd Field

Lydia Tár, cheffe avant-gardiste d'un grand orchestre symphonique allemand, est au sommet de son art et de sa carrière. Le lancement de son livre approche et elle prépare un concerto très attendu. En l'espace de quelques semaines, sa vie va se désagréger d'une façon singulièrement actuelle.

Dès le générique et les premières scènes on sent que l'on va être dans un film pas classique voire déroutant. Notamment un déroulé de CV impressionnant, une scène qui paraît interminable pour poser la carrière et l'engagement féministe de la cheffe. On a le tournis ! ⠀

Lydia Tár au sommet de sa carrière, une femme exigeante et passionnée, entourée par toute une cour, que ce soit son amoureuse, son assistante, ses collègues… qui l’admire et accepte beaucoup de compromis. ⠀

Un évènement va venir ébrecher sa façade... Sous le vernis et les apparences on découvre peu à peu sa vraie nature... Elle est de celles qui se croient intouchables et ne peut apparemment s'empêcher de se comporter comme elle l'a toujours fait, une inconscience ? ⠀

Plusieurs thèmes abordés comme celui de la cancel culture dans la musique classique, l'exercice du pouvoir, les femmes dans ce milieu... Un portrait complet, intime et professionnel d'un femme cheffe, lesbienne et féministe mais qui pourtant usede son pouvoir pour reproduire les schémas masculins. ⠀

Un film exigeant qui ouvre beaucoup de champs et laisse parfois en plan sans être explicite comme le rôle de la violoniste ou la fameuse affaire. Une atmosphère fantastique, qu'est ce qui hante Lydia ? les bruits qu’elle entend sont-ils réels ? ses cauchemars prennent le pas sur sa réalité ?  

Magnifiques scènes de répétitions, on saisit vraiment le travail de la cheffe, sa maitrise, sa direction et c'est dommage qu'il n'y ait pas plus de musique. Cate Blanchet est fascinante, elle est le film. Mention aussi à Nina Hoss. Bien mais bémols entre le mélange des genres et les choses qu'on doit deviner sans qu'il n'y ait de réponse.

La famille Asada de Ryota Nakano

Dans la famille Asada, chacun a un rêve secret : le père aurait aimé être pompier, le grand-frère pilote de formule 1 et la mère se serait bien imaginée en épouse de yakuza ! Masashi, lui, a réalisé le sien : devenir photographe. Grâce à son travail, il va permettre à chacun de réaliser que le bonheur est à portée de main.

Qu’est-ce qu’une famille normale ? se demandent les Asada. Deux frères et leurs parents qu’on sent tous liés fortement, leur amour transcende les épreuves et ils se pardonnent tout. C’est ce que j’ai trouvé magnifique dans le film, ces liens familiaux, cet amour qui ne juge jamais et n'est pas déçu même quand on ne correspond pas aux attentes.

Masashi perd son envie de photographier durant des années et va le retrouver grâce à sa famille. Son idée de poser sur pellicule les rêves, aspirations ou fantasmes fugaces de sa famille permet de capturer l’essence de quelque chose de rare et précieux. Il alterne entre moments de production et des moments où il n’arrive plus à photographier. Il se perd et se retrouve à travers une parenthèse solidaire et transcendante durant le terrible séisme de 2011.

A travers Masashi et son métier de photographe, on suit l’histoire d’une famille mais aussi ce que représente la famille au Japon. Par le prisme des photos de famille, leur importance dans des moments difficiles de l’histoire du Japon, des traces, des souvenirs, des preuves d’amour, des traditions…

Un hommage feel good à la famille et aux photos de famille. Hommage aussi à celles et ceux qui prennent les photos et ne sont jamais dessus… J’ai ri et j’ai versé des larmes (mon côté sensible) attirées par des scènes faciles certes mais qui n'enlèvent rien à la beauté du message.

Youssef Salem a du succès de Baya Kasmi

Youssef Salem, 45 ans, a toujours réussi à rater sa carrière d’écrivain. Mais les ennuis commencent lorsque son nouveau roman rencontre le succès car Youssef n’a pas pu s’empêcher de s’inspirer des siens, pour le meilleur, et surtout pour le pire. Il doit maintenant éviter à tout prix que son livre ne tombe entre les mains de sa famille…

Youssef (Ramzy Bedia excellent) se sert de son expérience familiale pour écrire en exagérant le côté drama queen de ses proches. Son roman, récit initiatique raconte aussi entre les lignes ce qu’est être arabe en France avec son vécu qui ressemble beaucoup à celui d’autres personnes. Tassadit Mandi et Abbes Zahmani qui jouent les parents sont géniaux, quel duo ! J’ai adoré leur concept de redistribution familiale qui devrait être généralisé !

De vrais questionnements sur l’identité et sur le rôle de l’écrivain, ici il est arabe mais ça pourrait s’appliquer à d’autres exemples : pourquoi Youssef devrait-il représenter tous les arabes de France, écrire sur eux, les défendre… ? Ne peut-il être juste considéré comme un écrivain ?

J’ai été touchée par l’autre sujet du film, celui de l’adulte qui n’assume pas ses actes face à ses parents pour ne pas les blesser pense-t-il. Rester l’enfant qui ne veut pas décevoir et s’empêcher de vivre comme on le souhaite… Une immersion piquante dans le monde de l’édition et ses codes. J’ai aimé l’humour et j’ai passé un très bon moment avec la famille Salem ! Un film drôle et tendre.

16 ans de Philippe Lioret

Nora et Léo se rencontrent le jour de la rentrée en classe de Seconde. Leurs regards s’enchâssent et tout est dit. Le frère de Nora, manutentionnaire à l’hypermarché local, est accusé de vol et viré sur-le-champ. Le directeur de l’hypermarché c’est Franck, le père de Léo. Les deux familles s’affrontent, les différences s’exacerbent et le chaos s’installe. Les vies de Nora et Léo s’embrasent.

Une version contemporaine et bien ancrée dans son époque de Roméo et Juliette. Nora et Léo (@sabrina.levoye @teiloazaiss sont magiques) s’aiment comme à 16 ans, d’un amour simple et qui ne soucie pas des conséquences ni des interdits. Peu importe le chaos autour d’eux, leur amour veut s’exprimer.

On connait l’histoire, on sait la bêtise et l’entêtement des familles à les séparer et ici les rapports de classe et les différences culturelles sont très fortes. Deux milieux qui s’affrontent à coup de traditions familiales ancrées dans le marbre et c’est la jeune génération qui veut changer les codes sans y vraiment y arriver. Le racisme ordinaire et le mépris de classe d’un côté, l’obscurantisme et la défiance de l’autre. Aucune des deux familles n’est meilleure que l’autre. L’intolérance est commune. ⠀

Nora et Léo ne se reconnaissent pas dans ces schémas familiaux. Leur amour est plus fort et ils ne veulent surtout pas sombrer dans la haine des autres. ⠀

Toutes les situations décrites dans le film pourraient-elles être évitées avec un peu d’humanité et de bon sens, d’intelligence et de maturité ? Je n’en suis même pas sûre. J’ai trouvé le film plutôt malheureusement réaliste et déprimant avec cependant l’espoir que les jeunes des nouvelles générations aient suffisamment envie de voir changer les choses pour que cela arrive.  

Un film dur avec une tension présente tout du long. Mais on retient la grâce et la douceur du couple Nora/Léo qui amène un vrai soupçon de bonheur dans cette tragédie.

Les survivants de Guillaume Renusson

Samuel part s’isoler dans son chalet au cœur des Alpes italiennes. Une nuit, une jeune femme se réfugie chez lui. Elle est afghane et veut traverser la montagne pour rejoindre la France. Samuel ne veut pas d’ennuis mais, devant sa détresse, décide de l’aider. Il est alors loin de se douter qu’au-delà de l’hostilité de la nature, c’est celle des hommes qu’ils devront affronter...

Ce qui frappe direct c’est la violence des arrestations des migrants par la police. Autant d’inhumanité envers des réfugiés qui ont déjà souffert toutes les tragédies… Samuel observe sans qu’on sache ce qu’il pense, il est terrassé et emprisonné par la douleur de son deuil.

Lorsqu’il tombe sur Chehreh c’est comme un moyen de déplacer sa peine, de se concentrer sur autre chose, comme un électrochoc dont il a besoin... Deux sorts liés par la survie, deux êtres désespérés mis à l'épreuve et qui vont l'être plus encore.  

On entre dans le monde violent des chasseurs de migrants, équipés pour une vraie chasse à l’homme avec drones et motoneiges surpuissantes, c'est terrifiant. Pour Samuel et Chehreh, engagés dans un chemin difficile à travers la montagne en mode hiver, c’est l’instinct de survie qui prime et peut être aussi un sens de la justice.

A travers le personnage de Chehreh, le film met aussi l'accent du sort des afghans qui ont collaboré avec les étrangers dont la France, et que tout le monde a abandonné sur place. ⠀

Un beau portrait d'homme (Denis Ménochet bouleversant) sur le chemin de sa rédemption. Une belle rencontre qui redonne foi en l'humanité. Un thriller course poursuite assez violent mais d’une force incroyable sur le sujet. Au vu des reportages tv déjà vus sur les migrants dans les Alpes je pense que c'est malheureusement réaliste.

Ashkal, l'enquête de Tunis de Youssef Chebbi

Dans un des bâtiments des Jardins de Carthage, quartier de Tunis créé par l'ancien régime mais dont la construction a été brutalement stoppée au début de la révolution, deux flics, Fatma et Batal, découvrent un corps calciné. Alors que les chantiers reprennent peu à peu, ils commencent à se pencher sur ce cas mystérieux. Quand un incident similaire se produit, l'enquête prend un tour déconcertant.

Ni tout à fait un polar ni tout à fait un film fantastique mais un mélange fascinant des deux. Une enquête policière sur fond de Commission d'instruction des crimes commis par la police de Ben-Ali. La corruption de la police y est dénoncée tout comme certaines méthodes. Malgré le nettoyage, un système qui perdure. Le film s’intéresse aussi à la signification des immolations, message politique ou terrorisme ?

Il faut se laisser bercer par le rythme lent de ce film qui s’intéresse autant à l’environnement dans lequel on retrouve les corps qu’à l’enquête autour de ces crimes. Ici le décor des bâtiments vides et en cours de construction, est un labyrinthe fantasmagorique qui permet des images et des plans magnifiques.

Une esthétique du paysage urbain plastiquement très travaillée qui renforce l’étrangeté du film. La présence du feu s’oppose au froid du béton. La fin est clairement déroutante et peut agacer (si j’en crois des réactions dans la salle) mais il faut se laisser embarquer dans ce voyage, allégorique et mystique.

Un film noir dont je ne suis pas ressortie indifférente que ce soit pour son propos ou pour le traitement choisi par le réalisateur Youssef Chebbi qui signe un premier long métrage qui interpelle. Mention à Fatma Oussaifi qui débute admirablement au cinéma ave ce personnage torturé de femme flic.

Interdit aux chiens et aux italiens de Alain Ughetto

Début du XXe, dans le nord de l’Italie, à Ughettera, berceau de la famille Ughetto. La vie dans cette région étant devenue très difficile, les Ughetto rêvent de tout recommencer à l’étranger. Selon la légende, Luigi Ughetto traverse alors les Alpes et entame une nouvelle vie en France, changeant à jamais le destin de sa famille tant aimée. Son petit-fils retrace ici leur histoire.

Même si ma fille ne vient plus au ciné avec moi depuis un bail, les films Gebeka ont longtemps fait partie de nos sorties, un nom qui rime avec qualité. Cette dernière production s’adresse aussi aux adultes. Comme d’habitude l’animation est un petit bijou avec de merveilleuses trouvailles.
Alain Ughetto fait revivre ses ancêtres et dialogue avec eux en s’insérant dans l’animation.
Une histoire familiale qui rejoint l’histoire de milliers de paysans italiens venus chercher de quoi nourrir leurs familles en France.
Un hommage à sa famille et à tous les travailleurs italiens qui ont souvent payé de leur vie l’espoir d’un avenir meilleur ainsi qu’à tous les exilés du monde qui continuent aujourd’hui à faire des métiers durs loin de chez eux.
Des conditions de travail difficiles aggravées par les guerres qui ont jalonné le 20e siècle, la grippe espagnole, la montée du fascisme de Mussolini, les pertes des proches et le racisme.
L’ironie, ce sont les routes et rails construits par les italiens qui les emmènent plus tard faire la guerre…
On sent l’attachement à la France qui les nourrit mais qui les rejette aussi parfois.
De l’humour malgré tout, beaucoup d’amour et d’admiration. Une belle épopée familiale à travers trois générations.
Comme le dit si joliment la grand-mère Cesira "On n’est pas d’un pays, on est de son enfance…"

Nos soleils de Carla Simón

Depuis des générations, les Solé passent leurs étés à cueillir des pêches dans leur exploitation à Alcarràs, un petit village de Catalogne. Mais la récolte de cette année pourrait bien être la dernière car ils sont menacés d’expulsion. Le propriétaire du terrain a de nouveaux projets : couper les pêchers et installer des panneaux solaires. Confrontée à un avenir incertain, la grande famille, habituellement si unie, se déchire et risque de perdre tout ce qui faisait sa force...

Une épée de Damoclès sur la tête de la famille Solé mais ce dernier été se passe comme un autre pour les enfants qui rivalisent de bêtises tandis que les adultes triment pour faire une dernière récolte. La fin de l’été annonce une autre vie à laquelle Quimet, le fils ainé ne peut se résoudre. Il ne veut faire aucun compromis, les pêchers c’est ce qu’il est. Son comportement va diviser sa famille. ⠀

Carla Simón nous montre ce qu’est le travail dans un petite exploitation familiale traditionnelle dans un contexte difficile : d’un côté le business des panneaux solaires qui détruit les terres et de l’autre les spéculations de la grande distribution. Ce n'est pas forcément l'image qu'on se fait de l'agriculteur en Espagne, ici un autre versant de l'activité. ⠀

Un film quasi documentaire avec des amateurs, la chronique d’un monde en voie de disparition, l’attachement à la terre mais aussi de belles scènes d’enfance. Ours d’Or à Berlin en 2022, le film a pourtant une diffusion confidentielle. Un film intéressant que j'ai aimé sans pour autant être totalement dedans. Les limites du naturalisme peut-être…

L'immensita de Emmanuele Crialese

Rome dans les années 1970. Dans la vague des changements sociaux et culturels, Clara et Felice Borghetti ne s’aiment plus mais sont incapables de se quitter. Désemparée, Clara trouve refuge dans la relation complice qu’elle entretient avec ses trois enfants, en particulier avec l’aînée née dans un corps qui ne lui correspond pas. Faisant fi des jugements, Clara va insuffler de la fantaisie et leur transmettre le goût de la liberté, au détriment de l’équilibre familial…

Un modèle de couple qu'on espère révolu, dans lequel une violence sourde est omniprésente. La joie du foyer s'arrête dès que le père et mari passe la porte d'entrée. Une femme soumise ou presque, compliqué de divorcer à l'époque... ⠀

Adrianna est dans sa phase rebelle et d'introspection personnelle. Pour moi elle est plus le personnage central du film que sa mère. Elle pose son regard d'adolescente sur ce qui arrive au couple de ses parents, sur la façon dont réagit sa mère, sur le machisme du père... tout en se questionnant sur sa personnalité intrinsèque, sur son envie d'être considérée comme un garçon ou d'un être un véritablement dans une époque qui ne s'y prête pas... ⠀

Quelques belles scènes d'enfance, de fratrie, de cousinades. Mais je trouve que le film ne va pas assez au bout des choses. Les tubes de musique pop italienne rythment ce film d'atmosphère. Agréable mais sans plus même si les interprétations de Penelope Cruz et Luana Giuliani sont excellentes.

Les Cyclades de Marc Fitoussi

Blandine et Magalie, inséparables au collège mais perdues de vue depuis plus de 35 ans, se retrouvent et partent en voyage dans Les Cyclades, leur rêve de l'époque... Blandine toujours en mode depress 2 ans après que son mari l'ait quittée, Magalie en mode joie de vivre permanent parfois agaçant...⠀

Retrouvailles explosives entre deux tempéraments, le feu et la glace. Magalie pousse sans arrêt Blandine dans ses retranchements en mode coach de vie improvisée et Blandine reste bloquée sans se laisser aller. On se doute de ce qui va se passer, les barrières qui vont sauter peu à peu... Amies un jour, amies toujours ? ⠀

Le film est prévisible et classique mais on un passe un bon moment avec deux actrices que j'aime, Laurence Côte et Laure Calamy. Et le soleil, la mer, le disco... C'est mignon aussi l'idée du fils qui veut redonner l'envie de vivre à sa maman.

Les cadors de Julien Guetta

Deux frères que tout oppose se retrouvent à la mort de leur père. Réunis pour sortir l'un deux d'une sale histoire, l'occasion de se redécouvrir...

Un frère marginal mais attachant avec le cœur sur la main, un oncle rigolo et un beau-frère encombrant, Christian fait de l'effet à tout le monde. Des frères soudés par leur enfance merdique mais qui se sont éloignés et qui vont se retrouver on s'en doute. Sur fond de trafic dans le milieu des dockers. ⠀

Rien de nouveau mais grand capital sympathie grâce au chouette duo de frangins, Jean-Paul Rouve (transformation physique dingue) et Grégoire Ludig. J'ai bien aimé les scènes d'enfance en flashbacks.

Retour à Séoul de Davy Chou

Sur un coup de tête, Freddie, 25 ans, retourne pour la première fois en Corée du Sud, où elle est née. La jeune femme se lance avec fougue à la recherche de ses origines dans ce pays qui lui est étranger, faisant basculer sa vie dans des directions nouvelles et inattendues. Librement inspiré de la vie de Laure Badufle.

Un coup de tête ou un lapsus révélateur ? Freddie se dit de passage en se mentant à elle-même, on dirait qu’elle fait une démarche à contre cœur pourtant elle s’accroche et va au bout. Freddie, une jeune fille sociable mais dont l’agressivité à fleur de peau cache un profond mal être, découvre le pays de ses origines qui l’accueille avec bienveillance. Elle s’étourdit, une fuite en avant qui va durer des années. C’est le début d’une vie nouvelle, voire de plusieurs vies.

Un long chemin pour trouver une forme de paix intérieure, se réconcilier avec soi et les autres. Le film explore la psyché d’une jeune femme qui passe par tous les états et essaie d’appréhender ce sentiment que peuvent ressentir les enfants adoptés. Une urgence qui se réveille ? Besoin impérieux de comprendre d’où l’on vient ? Une colère contre qui, contre quoi ? Pourquoi est-ce si important pour elle ? Un manque impossible à combler malgré la vie heureuse qu’elle a eu avec ses parents adoptifs ? Quand les parents adoptifs ne suffisent plus, cela ne s’explique pas toujours…

Ça parle aussi de la gestion des retrouvailles ou des non- retrouvailles. Ce voyage improvisé va bouleverser sa vie mais pas de la manière à laquelle on s’attend. Un film en plusieurs parties avec des ellipses temporelles fréquentes qui découpent le film d'une façon pas toujours évidente. Une interprète, Park Ji-Min, qui porte le film en se donnant complètement à son rôle de fille perdue dans sa propre vie. Je m’attendais à autre chose, je ne sais pas… J’ai bien aimé sans plus, peut-être trop de froideur.

Cet été là de Eric Lartigau

Dune a 11 ans. Depuis toujours, chaque été, elle traverse la France avec ses parents pour passer les vacances dans leur vieille maison des Landes. Là-bas, Mathilde, 9 ans, l’attend de pied ferme. Une amitié sans failles. Mais cet été-là ne sera pas un été de plus. L’année dernière, Dune et ses parents ne sont pas venus. On ne lui a pas dit pourquoi mais elle sent que quelque chose a changé. Elle veut comprendre, savoir. Cet été-là Dune va grandir.

Un été de découvertes, de questionnements, d’espérances pour Dune et sa copine Mathilde par ricochet. Deux gamines que je trouve bien mâtures pour leur âge, un peu trop peut-être mais je ne sais pas.

Une mère qu'on découvre distante et ailleurs, un couple qui se dispute et qui semble cacher quelque chose ce qui fait cogiter Dune qui cherche des échappatoires. Une ambiance qui déteint aussi parfois sur l’amitié des deux filles.

On les suit toutes les deux dans l’ennui des vacances estivales où elles sont laissées à elles-mêmes, la recherche de sensations, l’envie de faire partie du monde des adultes et de se focaliser sur leurs problèmes.  ⠀

Malgré un beau casting et la présence toujours bienvenue de Gaël Garcia Bernal je suis mitigée. Je n’ai pas été happée comme espéré. De beaux moments sympathiques, deux petites filles pleines d’entrain mais le "secret" des parents je n’y ai pas cru, tout ça pour ça et pourquoi ne pas parler à leur fille de 11 ans, la protéger de quoi… Je n’ai pas adhéré à l’histoire, j’ai plus apprécié des moments du film que le film entier.

Rédigé par Carole Nipette

Publié dans #Avis cinéma-Revue de films

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D
Bonjour Carole Nipette, j'ai loupé les Cyclades et je le regrette. Pour Nostalgia, je n'ai pas trouvé le film joyeux du tout et j'avais deviné la fin mais l'acteur principal est bien. Pas encore vu Babylon mais j'y pense (même si je n'ai pas du tout aimé La la land). Concernant Ashkal, j'aurais aimé aimer le film mais je n'ai pas compris la fin. J'espère aller voir Interdit aux chiens et aux Italiens cet après-midi. Et donc de ta liste de 16 films, mon préféré et de loin, c'est la famille Asada. Bon dimanche.
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C
C'est vrai que ce film est le plus joyeux !
L
Vu et aimé Les Cyclades et Tar. Adoré Tar, à l'inverse, j'aime quand le film ne raconte pas tout, n'explique pas tout, laisse des zones d'ombres. Je me suis noté à voir, la famille Asada et Babylon. Tu as vu le dernier Spielberg ?
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C
Il n'est pas encore sorti mais j'ai repéré une avant première vers chez moi donc bientôt !
G
Babylon me tentait bien, je sais pas si il sera toujours à l'affiche en février...
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C
avec les grosses sorties Astérix et Alibi, va t'il résister ? :)
S
Babylon me tente bien, les autres m'attirent moins ^__^
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A
La famille Asada me donne vraiment très envie!!!
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C
Vraiment chouette ce film !
M
Je veux trop voir La famille Asada! Par contre, je voulais aussi voir Retour à Séoul mais comme j'en entends et j'en lis beaucoup de mal, je n'ai plus trop envie!
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